24/12/2013
Littérature de combat
Journal, 1958, Dimanche 14 décembre
La moitié de la nuit passée avec Jean-Edern Hallier et Sollers, à essayer de nous entendre sur la revue. Je suis maintenant convaincu qu’aucun accord n’est possible avec Sollers. J’ai beaucoup d’estime et de respect pour lui ; n’empêche qu’il est dans le prolongement d’une race que je hais, la race de l’intellectuel hanté par le langage, le mot pour le mot, replié sur soi comme une vis sans fin, complètement coupé du monde, tout harnaché de littérature, protégé des superbes fécondes blessures de la colère, de l’amour et de l’honneur à vif. C’est une race stérile, comme on dit d’un pansement, d’un scalpel, qu’il est stérile. Ces gens-là sont immunisés contre toutes les maladies de l’âme, ils ont des âmes flambées, des âmes bouillies, lisses et blanches comme le marbre des laboratoires, ils sentent le bouin. l’alcool et l’éthylène, leurs gros yeux froids sont ceux des microscopes. Écrire leur [vie] est une fin en soi, un art pur. Moi je ne connais pas d’autre littérature qu’une littérature de combat. Je peux même dire que je ne connais pas de grande vie qui ne soit une vie de combat.
Jean-René HUGUENIN
Journal / éd. du Seuil, coll. Points, 1964, 1993.
Source : Maudit Septembre 62
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