14/02/2014
Des Lupercales à la Saint-Valentin...
Faunus : du dieu Pan au Diable du christianisme.
Ce dieu italique est l’une des plus anciennes divinités de la religion romaine. On l’identifia au dieu Pan après l’hellénisation systématique des dieux romains. C’est ainsi que Faunus finit par apparaître sous un aspect semblable à celui de Pan : cornes au front et pied de chèvre, forme sous laquelle le Diable est lui-même le plus souvent représenté dans l’imagerie populaire chrétienne. De fait, le christianisme vit en Faunus une divinité sombre et mystérieuse autour de laquelle était déployé jadis un rituel terrifiant. Il est dit aussi que Faunus effraie parfois les humains et qu’il prend alors le nom d’Incubis, soit le nom du Cauchemar qui fut par la suite assimilé aux démons incubes, pendant masculins des démons succubes. Faunus ne tentât-il pas de ravir la compagne lydienne d’Hercule ? Hélas pour le dieu cornu, le héros et sa compagne avaient, ce soir-là, échangé leurs vêtements… C’est également à Faunus que les Romains attribuaient, dit-on, les angoisses soudaines, les terreurs paniques et toutes les formes de fantômes qui sèment l’épouvante parmi les hommes.
2. Les origines de Faunus.
Faunus est le fils de Picus et le petit-fils de Saturne. Son épouse porte le nom de Fauna, considérée par les Romains comme la mère du dieu Latinus (Faunus étant désigné par Virgile comme roi du Latium et père de Latinus), un des rois légendaires du Latium. Faunus est un dieu familier des bois, mais également des plaines cultivées et des eaux vives. Il protège les cultures et veille sur les troupeaux. Personnification de la puissance génératrice, Faunus apparaît comme un père de l’agriculture. A l’exemple du Zeus de Dodone, il rend également des oracles en faisant bruisser les arbres et apparaît dans ce rôle sous le nom de Fatuus. L’oracle de Tibur (aujourd’hui, Tivoli), près de la source Albunée, était particulièrement renommé. Faunus passe aussi pour être l’initiateur au culte des dieux et comme l’inventeur des vers saturniens. Avant qu’il prenne l’apparence de Pan, Faunus était généralement représenté sous les traits d’un être barbu, vêtu d’une peau de chèvre, tenant à la main, soit une massue, attribut typique des gardiens de bétail, soit la corne d’abondance, du fait de sa fonction de fertilisateur.
3. Des Lupercales au commerce des cœurs en passant par la Saint-Valentin.
3.1. Les Lupercales.
Le 15 février était célébrée la fête de Faunus, également nommée fête des Lupercales. Ce nom vient d’une ancienne divinité italique nommée Lupercus qui fut assimilée par les Romains à Faunus, puis à Pan. Lupercus était également un ami des bergers et un protecteur des troupeaux contre les loups. La fête des Lupercales marque le renouveau de la Nature et le retour prochain du Printemps. Au cours de cette fête, après le sacrifice de chèvres, de boucs et d’un chien, se déroulait la « Course des Luperques » au cours de laquelle des jeunes gens à demi-nus, seulement vêtus de la peau des ovins sacrifiés, se répandaient dans la ville en riant et en buvant. Ils frappaient les spectatrices avec des lanières de cuir, les coups étant supposés apporter la fertilité, faciliter la montée du lait, de même que l’accouchement. Avant le banquet, toutes les jeunes filles de la ville déposaient un morceau de parchemin sur lequel était écrit leur nom dans une grande urne. Ensuite, les jeunes Romains tiraient au sort le nom de celle qui devrait rester avec lui durant toute la durée du banquet.
3.2. La Saint-Valentin.
Le pape Gelase Ier fit abolir les Lupercales vers 498 et les fit remplacer par la fête de saint Valentin, instituée à la date du 14 février, soit un jour avant les Lupercales qui figurent ainsi parmi les derniers rites païens à avoir été célébrés dans l’Occident latin. Il semble que l’on retrouva toutefois longtemps la trace des Lupercales dans la Saint-Valentin chrétienne qui, à l’origine, n’était pas associée à l’amour romantique mais bien à l’amour physique. De fait, la Saint-Valentin semble avoir gardé longtemps sa signification préchrétienne, à savoir l’union des jeunes célibataires. Quoique l’on puisse en dire, il ne semble exister, à l’origine, aucun lien entre l’amour (courtois ou physique…) et les trois saints Valentin connus, à savoir : (1) un prêtre qui aurait souffert le martyre à Rome dans la seconde moitié du 3ème siècle et qui aurait été enterré sur la Via Flaminia ; (2) un évêque de Terni qui aurait subi exactement le même sort, à la même époque ; (3) un autre martyr d’Afrique du nord dont on ne sait pratiquement rien. La fête de saint Valentin n’a été instituée que pour effacer la mémoire de Faunus et des Lupercales, tout comme ont été institués la Toussaint (1er novembre, en remplacement de la Samain celtique), la Sainte-Brigitte de Kildare (1er février, en remplacement de l’Imbolc celtique), Noël (25 décembre, en remplacement de la fête de Mithra), etc. L’établissement de la première relation de la Saint-Valentin avec l’amour courtois semble remonter à l’Angleterre du 14ème siècle : la veille de son martyre, saint Valentin aurait fait parvenir un message d’amour à la fille de son geôlier ; alors que, sous l’empereur Claude II, les mariages étaient interdits, pour les soldats romains, durant une période déterminée, Valentin organisait des mariages clandestins. Légendes que tout cela, bien évidemment, l’association de la Saint-Valentin avec la date du 14 février ayant été décidée arbitrairement pour les raisons déjà citées. Au cours du Moyen Âge, la coutume de la Saint-Valentin courtoise se répandit dans l’ensemble de l’Occident chrétien.
3.3. Le commerce des cœurs.
Aujourd’hui, comme la Samain-Toussaint devenue l’Halloween des friandises et des masques made in China, comme les fêtes de Mithra et de la Nativité devenues la Noël de la dinde, des achats festifs et du Père Noël revêtu des couleurs rouge et blanche de la Coca-Cola company, la Saint-Valentin est devenue l’occasion de promouvoir le commerce en utilisant le principe de la culpabilisation : « si tu m’aimes vraiment, achète-moi ceci ou invite-moi là ! » Certains tentent bien d’établir une relation bien hypothétique entre l’expédition des cartes de Saint-Valentin et les morceaux de parchemin déposés dans une urne par les jeunes filles romaines, lors des Lupercales, mais bien rares sont ceux qui, parmi les païens ou les chrétiens, pourraient aujourd’hui se reconnaître dans cette Saint-Valentin instituée par les nouveaux marchands du Temple.
Eric TIMMERMANS
Bruxelles, le 11 février 2010.
Sources : Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, Joël Schmidt, Larousse, 1965 / Dictionnaire du Diable, Roland Villeneuve, Omnibus, 1998 / Dictionnaire du diable, des démons et sorciers, Pierre Ripert, Maxi-Poche Références, 2003 / Encyclopédie de la mythologie, Editions Sequoia, 1962 / Grand dictionnaire des symboles et des mythes, Nadia Julien, marabout, 1998 / Le Charivari, Henri Rey-Flaud, Payot, 1985 (p.23).
Via : La Grange du Cherchant
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La Fête des Lupercales est donnée en l’honneur de Faunus Lupercus (dieu tueur de loups, protecteur des troupeaux, assimilé à Pan dans le Panthéon romain). Célébrée le 15 février, elle correspond bien aux notions de fertilité et de relance du cycle de l’activité vitale dans la nature que marque Imbolc, fêté il y a quelques jours.
La vocation de la fête est la purification, et son patron le dieu Faunus, le Bouc divin. Les Luperques qui officient figurent eux-mêmes des boucs, puisqu’un pagne, taillé dans la peau de cet animal, leur ceint les reins, et qu’ils manient, pour la purification qu’ils opèrent, des lanières de peau de bouc. Leur visage est peut-être masqué de boue, leur peau huilée, car ils incarnent des personnages inhabituels, comme les forces du désordre qui feraient irruption dans une ville par essence civilisée, et l’envers un peu fou des choses.
C’est bien ainsi que les peint Cicéron : « Voilà une bande sauvage tout à fait fruste et primitive, une troupe d’hommes des bois, formée bien avant qu’ aient existé la civilisation et les lois ».
On les voit descendre du Palatin, où, dans la grotte appelée Lupercal (un des hauts-lieux les plus vénérables de Rome, là où la Louve avait allaité les jumeaux) ils avaient sacrifié des boucs et découpé leur peau, tourner autour de la colline, puis déferler sur la voie Sacré, en cinglant de leur fouet tout ce qui se présente sur leur passage : les hommes et les femmes, mais aussi le sol, les rues, les remparts. Ce brutal et vigoureux décapage permettait à toute la Ville, délivrée ainsi du fardeau que constituaient toutes les souillures que l’année avait accumulées sur elle et qui pouvaient entraver le cours régulier de son existence, d’entamer son nouveau départ annuel.
Avant de se lancer dans leur course, les prêtres-flagellants avaient procédé à un mystérieux rituel : deux des leurs – un Fabius et un Quintilius, puisque ces deux familles gardaient l’exclusivité du recrutement de la confrérie – avaient tendu leur front pour qu’on y appuyât les couteaux dégoulinant du sang des boucs, et ce sang avait été aussitôt essuyé grâce à des flocons de laine trempés dans du lait… Dès après, les deux jeunes gens devaient éclater de rire.
Il parait aussi qu’on immolait un chien dans la grotte de Lupercal. Mais de cela, un seul témoin nous a parlé, Plutarque. Sang, désordre et fin d’année, lait de la naissance, rire et purification : peut-être s’agit-il là d’un lointain symbolisme de mort et de résurrection que les Luperques, une fois investis, transformés eux-mêmes en dieux-boucs, allaient transférer sur la foule ? Tous et tout, devant eux, tendaient les paumes, le dos, le corps ou la substance qui les composait, attendant la cinglante brulure des coups comme un vivifiant nettoyage.
Danielle Porte, Fêtes romaines antiques.
( Via : Le Chemin sous les Buis )
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15/11/2012
Feuilles d'automne
Victor Hugo
Les Feuilles d'automne
XXXVIII
Pan
Si l'on vous dit que l'art et que la poésie
C'est un flux éternel de banale ambroisie,
Que c'est le bruit, la foule, attachés à vos pas,
Ou d'un salon doré l'oisive fantaisie,
Ou la rime en fuyant par la rime saisie,
Oh ! ne le croyez pas !
Ô poètes sacrés, échevelés, sublimes,
Allez, et répandez vos âmes sur les cimes,
Sur les sommets de neige en butte aux aquilons,
Sur les déserts pieux où l'esprit se recueille,
Sur les bois que l'automne emporte feuille à feuille,
Sur les lacs endormis dans l'ombre des vallons !
Partout où la nature est gracieuse et belle,
Où l'herbe s'épaissit pour le troupeau qui bêle,
Où le chevreau lascif mord le cytise en fleurs,
Où chante un pâtre, assis sous une antique arcade,
Où la brise du soir fouette avec la cascade
Le rocher tout en pleurs ;
Partout où va la plume et le flocon de laine ;
Que ce soit une mer, que ce soit une plaine,
Une vieille forêt aux branchages mouvants,
Îles au sol désert, lacs à l'eau solitaire,
Montagnes, océans, neige ou sable, onde ou terre,
Flots ou sillons, partout où vont les quatre vents ;
Partout où le couchant grandit l'ombre des chênes,
Partout où les coteaux croisent leurs molles chaînes,
Partout où sont des champs, des moissons, des cités,
Partout où pend un fruit à la branche épuisée,
Partout où l'oiseau boit des gouttes de rosée,
Allez, voyez, chantez !
Allez dans les forêts, allez dans les vallées,
Faites-vous un concert des notes isolées !
Cherchez dans la nature, étalée à vos yeux,
Soit que l'hiver attriste ou que l'été l'égaye,
Le mot mystérieux que chaque voix bégaye.
Écoutez ce que dit la foudre dans les cieux !
C'est Dieu qui remplit tout. Le monde, c'est son temple.
Oeuvre vivante, où tout l'écoute et le contemple !
Tout lui parle et le chante. Il est seul, il est un.
Dans sa création tout est joie et sourire ;
L'étoile qui regarde et la fleur qui respire,
Tout est flamme ou parfum !
Enivrez-vous de tout ! enivrez-vous, poètes,
Des gazons, des ruisseaux, des feuilles inquiètes,
Du voyageur de nuit dont on entend la voix,
De ces premières fleurs dont février s'étonne,
Des eaux, de l'air, des prés, et du bruit monotone
Que font les chariots qui passent les bois !
Frères de l'aigle ! aimez la montagne sauvage :
Surtout à ces moments où vient un vent d'orage,
Un vent sonore et lourd qui grossit par degrés,
Emplit l'espace au loin de nuages et d'ombres,
Et penche sur le bord des précipices ombres
Les arbres effarés !
Contemplez du matin la pureté divine,
Quand la brume en flocons inonde la ravine,
Quand le soleil, que cache à demi la forêt,
Montrant sur l'horizon sa rondeur échancrée,
Grandit, comme ferait la coupole dorée
D'un palais d'Orient dont on approcherait !
Enivrez-vous du soir ! à cette heure où, dans l'ombre,
Le paysage obscur, plein de formes sans nombre,
S'efface, de chemins et de fleuves rayé ;
Quand le mont, dont la tête à l'horizon s'élève,
Semble un géant couché qui regarde et qui rêve
Sur son coude appuyé !
Si vous avez en vous, vivantes et pressées,
Un monde intérieur d'images, de pensées,
De sentiments, d'amour, d'ardente passion,
Pour féconder ce monde, échangez-le sans cesse
Avec l'autre univers visible qui vous presse !
Mêlez toute votre âme à la création !
Car, ô poètes saints ! l'art est le son sublime,
Simple divers, profond, mystérieux; intime,
Fugitif comme l'eau qu'un rien fait dévier,
Redit par un écho dans toute créature,
Que sous vos doigts puissants exhale la nature,
Cet immense clavier !
8 Novembre 1831.
Photo : Kurgan
18:43 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : victor hugo, feuilles d'automne, pan, paganisme, nature