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22/02/2013

Patriotisme Européen, par Marcel Déat.

Patriotisme Européen

Marcel Déat

 

Extraits  tirés d’un texte (toujours d’actualité !) publié dans « La Jeune Europe ( Revue des combattants de la jeunesse universitaire européenne ) », cahier 3/4, 1942.  

 

Je le dis tout net : si cette guerre ne contenait pas la promesse de l’unité européenne, si ce prodigieux conflit n’était pas en même temps la grande révolution des temps modernes, et si l’Allemagne nationale-socialiste n’était pas à la fois la conductrice et la garante de nos espoirs révolutionnaires, je ne vois pas pourquoi je serais « collaborationniste ». Sinon pour combiner, vaille que vaille, un sauvetage français, sous le signe de « l’égoïsme sacré », quitte à poignarder dans le dos mon partenaire, si l’occasion venait à s’offrir.

Et quiconque n’est pas socialiste autant que national, européen autant que français, doit en effet s’établir sur ces positions et ne plus en bouger. C’est bien ce que nous constatons, depuis un an, quels que soient les discours. Je ne crois pas qu’il y ait désormais une confusion possible entre cette attitude et la nôtre. Et je me suis permis d’indiquer que les conséquences, pour la patrie, étaient autrement fécondes, autrement riches, si l’on consentait enfin à se jeter, corps et âme, dans la bataille européenne, et sans regarder derrière soi.

Mais l’incompréhension engendre trop facilement la calomnie, et la sottise est trop près du dénigrement, pour que nous n’éclairions pas en plein certaines idées. On a assez accusé de chimère le vieux socialisme, quand il évoquait l’Europe, quand il s’enivrait d’universalisme, pour qu’on ne manque pas de reprocher au nouveau socialisme un identique irréalisme. Comme si, selon la juste remarque de Jacques Chardonne, l’Allemagne d’aujourd’hui n’était pas merveilleusement différente de celle d’avant-hier.

Comme si le rassemblement des révolutionnaires européens avait désormais à voir avec les palabres des congrès internationaux.

Il ne s’agit plus de prononcer des discours solennels, de pontifier sur des tribunes, d’ergoter sur des résolutions, de formuler des dogmes avec l’autorité qui s’attache aux conciles. Il s’agit de combattre, d’abord, et ensuite de bâtir. De combattre les armes à la main, sur d’immenses champs de bataille, avec le risque que cela comporte. De combattre aussi dans les bagarres civiques, d’y risquer pareillement sa vie, et bien plus encore, sa tranquillité, sa réputation, son pain, son honneur. Et ce ne sera pas trop de tous ces sacrifices pour aider à l’accouchement d’un monde.

Fort bien, diront nos sages. Mais pourquoi cette fuite vers l’Europe, alors que la patrie est pantelante et requiert l’effort de tous ?

Mais qui parle de fuite ? Et qu’est-ce donc que l’Europe, sinon l’ensemble des patries ? Et où veut-on que nous servions l’Europe, sinon chez nous, sinon en France, sinon par la France et pour la France ? Il n’y a pas une terre européennne, indivise et neutre, où nous puissions planter indifféremment notre tente. Il y a une France, qui est en Europe, qui est un élément nécessaire de l’Europe. Et les deux réalités ne se séparent point.

Ce qui est vrai, c’est qu’en effet nous refusons « l’égoïsme sacré ». Que nous n’acceptons pas le refrain maurrassien sur « la France, la France seule ». Parce que cela n’a pas de sens, ou bien signifie qu’on se dresse contre l’unité continentale, qu’on la refuse, et que, sournoisement, on espère retrouver, au delà des mers, les anglo-saxons et leur capitalisme. Car, il faut bien rire, nos super-patriotes, qui repoussent si noblement l’impur contact germanique, ont la passion d’être à nouveau asservis aux seigneurs de la City et de Wall Street.

Et bien ! oui, nous commençons à avoir un patriotisme européen, une sensibilité européenne.

(…)

L’expérience a prouvé qu’une bigarrure de nations théoriquement assemblées à Genêve ne faisait pas une Europe. Il n’y a d’unité que dans une solidarité totale de la vie matérielle, et dans la similitude essentielle des institutions. La guerre, la révolution, sont en train de brasser les peuples et d’unifier les tendances, de rendre convergentes les aspirations politiques et sociales. Et c’est une triste chimère que d’espérer une unité française en dehors de ce passage au creuset de la révolution.

Qu’on nous laisse tranquille avec les propos abstraits et les poncifs officiels sur l’unité française : il y a une réalité française que rien n’entamera. (…) Il y a un trésor français que l’histoire nous lègue et qui jamais ne sera perdu. Mais la France dont l’Europe à besoin, la France sans laquelle il n’y aura plus vraiment de nation française, doit avoir une autre température, elle doit brûler d’une autre flamme. Un certain patriotisme d’image d’Epinal ne la gardera pas des effritements et des affaissements internes. Et si une grande passion ne la saisit pas, si une ardente mystique collective ne s’empare pas d’elle, ne la porte pas vers son vrai destin, il ne lui restera que la force misérable et désordonnée qui se disperse et s’épuise en déchirements.

Je prie pour que nos politique y songent : l’élan vers l’Europe sauvera la France de plus d’une manière, même en l’arrachant à ce qu’elle prend orgueilleusement pour une solitude, à un narcissisme ridicule et désespéré, à un radotage de vieillards au coin du feu. La révolution fait l’Europe, la révolution refait la France, la révolution concilie l’Europe et la France.

 

Marcel Déat / 1942. 

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Quelques exemplaires de « La Jeune Europe », retrouvés en faisant un peu de rangement.  

Une véritable mine d’excellents textes, tous très rares… dont nous vous offrirons régulièrement quelques pépites, le temps pour nous de les relire, trier et (surtout) taper.

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