03/05/2014
Ukraine / Des vérités qui peuvent déranger...
LE POINT SUR L’UKRAINE
Des vérités qui peuvent déranger
Cet article vient en prolongement du dossier « Pourquoi l’Eurasie » du n° 59 de Terre et Peuple Magazine, en raison de l’évolution de l’actualité de ce pays. On s’y référera pour connaître tous les tenants et les aboutissants de la crise ukrainienne. En bref, l’Ukraine constitue un enjeu géopolitique primordial dans la guerre politico-économique sans merci que livre l’Occident américanisé et mondialisé à la Russie identitaire de Poutine. On connaît bien les preuves de ce containment : adhésion des pays d’Europe de l’Est à l’OTAN, installation d’un bouclier antimissile aux portes de la Russie (Pologne, Roumanie, Turquie), soutien aux révolutions de couleur de toutes sortes (Serbie, Ukraine, Géorgie…) destinées à affaiblir la Russie dans son environnement direct.
Mais les Occidentaux sont allés trop loin et ont offert à Poutine l’occasion de laver l’humiliation vécue avec le bombardement des villes serbes et l’expulsion des Serbes du Kosovo en 1999. Poutine est un grand joueur d’échecs et un champion de judo, la première qualité lui donne l’avantage d’agir avec deux coups d’avance, la seconde lui permet d’esquiver les coups et d’utiliser la force de l’adversaire pour la retourner contre lui. La fessée infligée, en 2008, à la petite Géorgie trop amoureuse de l’oncle Sam, qui a permis de russifier les deux provinces séparatistes d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie, aurait dû servir de leçon aux Occidentaux. Que nenni ! Ils ont cru pouvoir arracher l’Ukraine à l’influence du Kremlin.
La première tentative de 2004, dite « révolution orange » permet de mettre au pouvoir des pantins pro-occidentaux, Viktor Iouchtchenko et Ioulia Timochenko. L’incurie et la corruption de leur gouvernement poussent le premier à l’exil et la seconde à la prison. En 2009, par effet de balancier, le prorusse Viktor Ianoukovitch (tout aussi corrompu) revient au pouvoir à l’issue d’élections irréprochables.
Le 21 novembre 2013, Ianoukovitch refuse de signer l’accord d’association avec l’Union européenne. En fait, il n’a pas le choix : cet accord impose à l’Ukraine de pousser progressivement les forces russes hors de Crimée (où, évidemment, l’OTAN ne tarderait pas à s’installer). Dès le lendemain, comme par hasard, la place Maïdan est occupée par des manifestants pro-occidentaux, très bien encadrés. Car, il est vrai que, depuis vingt ans, nombre d’ONG américaines sont à la manœuvre. C’est Victoria Nuland, l’envoyée spéciale judéo-américaine elle-même, qui a déclaré que les Etats-Unis avaient investi plus de 5 milliards de $ dans la révolution ukrainienne et qu’il était temps d’en retirer les fruits (propos auquel elle ajouta la délicieuse phrase : « I fuck European Union » !).
Le 21 février, Ianoukovitch signe un accord avec trois plénipotentiaires de l’Union européenne, le Polonais Sikorski, l’Allemand Steinmeier et le Français Fabius. Cet accord, destiné à ramener la paix civile, met en péril le plan judéo-américain qui exige l’éviction de Ianoukovitch et son remplacement par un gouvernement fantoche. Le lendemain, la place Maïdan s’enflamme, les bâtiments officiels sont attaqués et Ianoukovitch s’enfuit. Des observateurs neutres (il ne s’agit pas des médias français…) remarquent des tireurs sur les toits qui visent systématiquement les policiers ; certaines sources dénoncent la présence d’anciens agents du Mossad pour encadrer les émeutiers (une vieille tradition israélo-étatsunienne). Les forces de l’ordre paient un prix élevé : 17 morts et près de 500 blessés. Mais la démocratie et la liberté sont passées (sic). Tous les pays de l’UE, y compris ceux qui ont signé l’accord de la veille, s’empressent de reconnaître le gouvernement provisoire, au mépris des lois internationales, car il ne s’est agi que d’un coup d’Etat qui a chassé illégalement un président légitimement élu. Qu’à cela ne tienne !
Mais le scénario occidental, si huilé est-il, n’a pas envisagé l’inenvisageable. Comme le renard de la fable « Le corbeau et le renard », Poutine annexe, sans coup férir, la Crimée, acte irréversible s’il en est. Cela lui permet de ramener à la mère-patrie la population russe de la presqu’île, mais surtout de sécuriser la base de Sébastopol et ses annexes. L’ours russe reprend donc le contrôle de la mer Noire et s’ouvre en grand la porte vers la Méditerranée (et la base syrienne de Tartous).
Pour les Ukrainiens, le bonheur promis par l’Union européenne n’est pas pour demain. Comme prévu, Gazprom augmente le prix du gaz russe de plus d’un tiers. Mais les « amis » du peuple ukrainien ne se montrent guère plus généreux : le FMI impose à l’Ukraine un régime drastique avant de verser le premier dollar. Les Ukrainiens auraient dû écouter les Grecs, les Chypriotes et les Espagnols avant de se jeter dans les bras de l’UE. L’avenir de l’Ukraine est d’être un pont entre l’Europe et la Russie, pas d’être la dernière roue de la charrette bruxelloise ou un porte-avions américain au cœur de l’Eurasie.
Voici pour l’état des lieux, en évolution permanente. Mais il faut aussi s’attarder sur quelques zones d’ombre. Les nationalistes ukrainiens sont-ils sincères et manipulés, ou bien sont-ils complices des menées occidentales ? Certains d’entre nous sont fascinés par les mouvements Svoboda ou Praviy Sektor. Les voici déchirés entre leur poutinophilie et une certaine nostalgie. Je vais donc leur permettre de régler ce dilemme. Il ne suffit pas de se promener avec des tatouages et des colifichets pour avoir une conscience politique. La question est plutôt : « dis-moi qui tu hantes et je te dirai qui tu es ».
Le 7 février, soit deux semaines avant le coup d’Etat, Oleh Tyahnibok, leader de Svoboda, parade aux côtés de Victoria Nuland, d’Arseni Iatseniouk, son poulain (futur Premier ministre du gouvernement provisoire) et accessoirement membre de la Trilatérale, et enfin de Viktor Klitschko, le boxeur président du parti UDAR, qui est soutenu par l’International Republican Institute et le National Democratic Institute, tous deux bien connus pour être des courroies de transmission du Département d’Etat américain. On ajoutera que les trois interlocuteurs de Tyahnibok sont juifs, ce qui explique sans doute le soutien indéfectible que leur prodiguent nos produits maison, Fabius et Lévy. De quoi faire se retourner dans sa tombe Stefan Bandera, fondateur de Svoboda, qui ne passait pas pour être philosémite.
Ce n’est pas la première fois que des mouvements qualifiés de populistes, et même de fascistes et de néonazis, se commettent avec les sionistes. Je rappellerai l’étrange voyage en Israël, en 2011, de 35 leaders européens des dits partis : Geert Wilders pour le PW hollandais, Filip Dewinter pour le Vlaams Belang flamand ou Heinz Christian Strache pour le FPÖ autrichien, parmi d’autres (Suédois, Allemands…). J’y ajouterai le pèlerinage de Louis Aliot, vice-président du FN, à Yad Vashem, la même année.
Quant à Praviy Sektor, son cas est encore plus intéressant. Né « spontanément » à l’automne 2013 de l’union de quelques groupuscules qui jugeaient Svoboda trop mou, il est subventionné par la diaspora ukrainienne des Etats-Unis (sic). Bizarrement, en mars 2014, Praviy Sektor fonde une nouvelle structure, Russian Legion, formée de Russes et destinée à lutter contre Poutine, y compris par des actes terroristes en Russie, notamment la destruction de pipelines. Pire encore, Dmitry Yarosh, le chef de Praviy Sektor, a fait alliance avec l’islamiste tchétchène Dokou Oumarov dans le but de « créer un front antirusse de l’Ukraine au Caucase ». Pour finir, j’ajouterai que Yarosh et des leaders du mouvement ont été reçus par l’ambassadeur d’Israël à Kiev, Reuven Din El, et se sont engagés à « lutter contre le racisme et l’antisémitisme ». Ce qui fait tache pour de soi-disant néonazis !
Quant à nous, notre positionnement est clair : les amis de nos ennemis (et les ennemis de nos amis) ne sont pas nos amis. Entre l’Occident (Etats-Unis, UE, Israël et quelques autres) qui veut imposer aux peuples une société mondialisée, déculturée et métissée, et un Poutine qui prône une révolution conservatrice et défend l’identité européenne et blanche, en rejetant l’immigration allogène et en réduisant l’islam conquérant, notre choix est fait.
Il y a vingt ans, j’avais tenté de convaincre mes amis croates et serbes de ne pas se tromper d’ennemis, à savoir les Bosniaques musulmans soutenus par « l’Occident ». Cela n’empêcha pas les néo-oustachis et les néo-tchetniks, les uns partisans de la Grande Croatie et les autres de la Grande Serbie, de s’entre-tuer au nom de toutes les haines accumulées. Il n’y eut que des vaincus : les Croates ne purent annexer la province d’Herceg Bosna et furent contraints de cohabiter avec les musulmans (qu’ils haïssent), et les Serbes durent abandonner la Krajina et la Slavonie, avant de perdre le Kosovo. Que ceci serve de leçon à tous les nationalistes dont le regard se limite aux rancœurs du passé, particulièrement à l’est de l’Europe !
Il serait ainsi dommage que les nationalistes ukrainiens soient aveuglés par leur russophobie, même si celle-ci est justifiée par le traitement infâme que leur ont infligé les Soviétiques pendant plus de 70 ans. Car l’Ukraine a le malheur de se situer au mauvais endroit tout en étant le « grenier à blé » de l’Europe de l’Est et un réservoir énorme de ressources naturelles. L’Ukraine a tout pour attiser les convoitises. Mais elle est aussi extrêmement fragile, car fracturée entre deux peuples inassimilables : l’Ouest catholique, dont l’histoire et la culture regardent vers la Pologne, la Lituanie et l’Autriche, et l’Est orthodoxe, qui n’a d’yeux que pour Moscou. Ce qui est donc en jeu, c’est un risque immense de guerre civile. Et pire encore. Qu’on se souvienne de ces mots de Jacques Benoist-Méchin, dans L’Ukraine, fantôme de l’Europe : « Et dans ce décor d’enfer, qui défie toute description, cinq armées différentes, venues de tous les coins de l’horizon, vont passer et repasser « comme une râpe » sur le corps sanglant de l’Ukraine : armée polonaise de Pilsudski, armée ukrainienne de Petlioura, armée blanche de Denikine et de Wrangel, armée noire des paysans anarchistes de Makhno, et enfin armées rouges de Staline et de Budienny ».
L’Histoire n’est qu’un éternel recommencement.
AC
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Article paru sur le site Terre & Peuple
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Pire encore, Dmitry Yarosh, le chef de Praviy Sektor, a fait alliance avec l’islamiste tchétchène Dokou Oumarov dans le but de « créer un front antirusse de l’Ukraine au Caucase »...
Dokou Oumarov
10:50 Publié dans Blog, Eurasie, Histoire européenne, Politique / économie, Ukraine / Novorossiya | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : ukraine, russie, eurasie, terre & peuple, terre et peuple magazine, poutine, ianoukovitch, serbie, géorgie, place maïdan, praviy sektor, svoboda, dmitry yarosh, israël, islamistes tchétchènes, dokou oumarov, guerre civile
Commentaires
Article clair et excellent. Je me demande bien ce que pensent de tout ça les nombreux musiciens BM Ukrainiens que j'affectionne, tels les drudkh, les nokturnal mortum, les dub buk ou lucifugum, eux qui à la base sont plus dans une posture anti-communiste/soviétique.
Les svoboda ne sont que des pantins de qui ont sait, n'en déplaisent à certains, ceux dont le grand Mabire parlait si bien dans cet article, que j'ai retrouvé sur cet excellent blog https://lecheminsouslesbuis.wordpress.com/2009/08/05/bete-et-mechant/
Écrit par : Gorneval | 05/05/2014
D'après les rares contacts que j'ai eu avec des membres de DRUDKH et LUTOMYSL et au vu des déclarations publiques de NM, il semble qu'ils jugent être en guerre avec la Russie, adoptant ainsi la position des ultra-natio qui ne regardent pas dans leur rétro... Partisans d'une Ukraine forte et indépendante mais incapables de voir le noyautage de l'opposition et les manipulations atlantistes attisant la guerre civile.
Écrit par : Résilience | 08/05/2014
Ravi de constater que je n’ai pas été le seul à apprécier cet (effectivement) excellent article !
Un article dont les 3 derniers paragraphes et la phrase de conclusion (« l’Histoire n’est qu’un éternel recommencement ») correspondent tant et si bien à ma pensée, en ce qui concerne (pour l’heure) cette « crise ukrainienne », que j’ai aussitôt mis à la corbeille la note que je tentais vainement d’écrire depuis une quinzaine de jours…
Vainement… car comme s’en sont doutés quelques amis et correspondants (via quelques mails et courriers), il n’est pas facile – pour moi – d’écrire sur le sujet ! Pas évident de rester « détaché » et objectif, lorsque l’on est le fils d’un Russe portant un nom Ukrainien… né à Rostov au début du siècle dernier… et qui dû s’exiler dans les années 20, adolescent, presque enfant, après que toute sa famille ait été massacrée sous ses yeux par les « cosaques rouges » de Boudienny.
Pas simple de rester détaché et objectif, lorsque l’on porte le nom (et qu’on est de la famille) du chef de l’une des « cinq armées différentes… qui vont passer et repasser « comme une râpe » sur le corps sanglant de l’Ukraine » (dixit Benoist-Méchin). Que l’on connaît cette Histoire par cœur… et qu’on a l’impression de voir les récits de son père reprendre vie, à moins d’un siècle de distance !
Qu’on se dit que tout ceci… n’est – une fois de plus – qu’une énième version de ces « guerres de religion » entre chrétiens (catholiques, orthodoxes, protestants…) qui ensanglantent et divisent l’Europe (de Belfast à Donetsk en passant par Belgrade) depuis des siècles… et que l’on comprend fort bien que le conflit en question ne fait – de surcroît – que servir des intérêts étrangers, tant à l’Ukraine, qu’à l’Europe elle même !
Que l’on sait pertinemment qu’au final, le « tempérament pour le moins exacerbé » du peuple ukrainien (la contrée ou « l’âme slave, le mysticisme oriental et le romantisme allemand » se rencontrent !) va une fois de plus l’emporter sur la raison… et plonger le pays dans le chaos ; au grand bénéfice des « puissances extérieures », qui n’attendent que ça pour se partager le pays.
Les bolcheviques furent vainqueurs (au détriment des européens) il y a un siècle (avec les conséquences que l’on connaît : Holodomor, etc.)…
Les Européens (devenus esclave des USA, d’Israël et des banksters qui gouvernent ces deux pseudo-nations) semblent bien partis pour prendre une (demi) revanche (?) et très vite transformer Kiev en un savoureux mélange de Trappes et Brooklyn à la sauce Détroit…
Et l’Ukraine et les Ukrainiens seront une fois de plus les grands perdants… faute d’avoir su choisir entre les nouveaux Skoropadsky, Petlioura, Makhno, Grigoriev (que Benoist-Méchin oublie un peu vite) et autres libérateurs « hauts en couleurs » où véritables atamans cosaques (ne commandant malheureusement qu’à deux « sotnia ») côtoient poètes fous, aventuriers et rêveurs. Voire, pire encore… d’avoir donné foi aux promesses (de dupes) de Moscou, Paris, Berlin ou Wall Street…
Il est évident que l’Ukraine se doit d’exister, et ce en tant que Nation libre et indépendante…
Mais il semble tout aussi évident que ce n’est pas en devenant un vassal des USA qu’elle accèdera à la liberté… ni en devenant « l’arrière ban » de l’OTAN qu’elle accèdera à l’indépendance !
Que ce n’est pas en devenant le grenier à blé de l’U.E ou un nouveau terrain de jeu la Goldman Sachs qu’elle se construira un avenir… que ce n’est pas en s’alliant à Israël ou aux islamistes tchétchènes qu’elle pourra continuer à se regarder dans la glace et à se réclamer d’Europe !
Que le peuple Ukrainien DOIT assimiler les leçons du passé…
Arrêter de suivre le premier « porteur de drapeau » venu…
Arrêter de croire que « marteau, faucille et svastika » ont encore quelque chose à voir avec ce qui se passe aujourd’hui ! (Ce ne sont là qu’épouvantails d’un autre temps, agités avec savoir-faire et malice par Wall Street et Moscou !)…
Et, une fois libéré de toute(s) influence(s) étrangères, s’UNIR, en tant que PEUPLE… à part entière.
Tant que les Ukrainiens n’auront pas compris que l’ (idée même d’) Ukraine ne peut exister, sans qu’existe – auparavant – un véritable PEUPLE ukrainien… une véritable IDENTITÉ ukrainienne (et non une mosaïque de « marionnettes » prêtes à en découdre pour quelques piécettes ou de stupides histoires de religions venues d’ailleurs !)…
Tant que les Ukrainiens n’auront pas compris ça, qu’importe les élections, les secteurs droits et les vecteurs gauches… aucune « Rada » ne durera plus longtemps que celle de 1917 ! Aucune Ukraine n’existera vraiment !
Kurgan
Écrit par : Kurgan | 08/05/2014
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