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08/09/2014

Le Conseil de sécurité de l’Empire du Chaos...

[L'OEIL ITINÉRANT] L’OTAN ATTAQUE !

 

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Source : NATO attacks !, Asia Times, 03-09-2014

 

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D’abord et avant tout, faisons voler en éclats tous les mythes. L’Organisation du traité de l’Atlantique nord n’est rien d’autre que le Conseil de sécurité de l’Empire du Chaos.

Pas besoin d’être un nouveau Foucault féru des pratiques orwello-panoptiques pour siffler d'admiration devant cet « anneau d’acier » [1] hyper-démocratique, entourant routes, parcs et même remparts d’un château, pour « protéger » des dizaines de chefs d’État et ministres des pays membres de l’Otan, leurs 10 000 faire-valoir et 2 000 journalistes, contre le monde réel ; à Newport, au pays de Galles, et au-delà.

Le sommet de l’Otan au pays de Galles donne aussi l’occasion au Secrétaire-général sortant, Anders « Fogh la Guerre » Rasmussen, de balancer tout son répertoire de chien d’attaque. C’est comme s’il auditionnait pour un premier rôle dans une reprise du film Mars attaque ! [2].

Fogh la Guerre multiplie les apparitions [3] et parle de « pré-positionner des fournitures et de l’équipement », un euphémisme pour désigner de l’armement ; de renforcer les bases et les quartiers généraux dans les pays hôtes ; et de constituer un « fer de lance » [4], une force de réaction rapide formée de quelque 10 000 hommes pour contrer « l’agression » russe, qui pourra être déployée en cinq jours tout au plus.

Au même moment, le président sortant de la Commission européenne, Manuel Barroso, qui se démarque par sa médiocrité, emploie la technique du bon et du méchant en révélant que le président russe Vladimir Poutine lui a dit au téléphone, à la fin de la semaine dernière, qu’il pourrait prendre Kiev en quinze jours s’il le voulait.

Il pourrait le faire. S’il le voulait. Mais il ne veut pas. Ce qui importe, c’est ce qu’il a dit à la chaîne de télévision d’État Rossiya, à savoir que Kiev devrait promouvoir des pourparlers inclusifs concernant le futur statut de l’est de l’Ukraine. Une fois de plus, le battage occidental a voulu nous faire croire qu’il prônait la naissance de la Novorossia comme État. Dans l’article indiqué en note [5], le Saker analyse en détail les implications de ce que la Russie veut vraiment et de ce que les forces armées de la Novorossia veulent vraiment.

Fort du soutien de la présidente lituanienne Dalia Grybauskaité, qui rabâche sans surprise que la Russie est « en guerre contre l’Europe », et du premier ministre britannique David Cameron, qui évoque rien de moins que Munich 1938 (Chamberlain apaisant Hitler), Fogh la Guerre a toutes les munitions nécessaires pour vendre ses Einsatzgruppen. On peut pardonner aux cyniques de croire que le « fer de lance » de l’Otan est en fait le calife de l’EI et ses brutes qui sont en train de mettre la « Syrak » à feu et à sang.

Pareil bellicisme, cependant, n’est pas facile à faire accepter dans une UE frappée par la crise. Non seulement l’Allemagne, mais aussi la France, l’Italie, l’Espagne, la Roumanie, la Hongrie et même la Pologne ont exprimé leur « réserve », d’une façon ou d’une autre, à soutenir la stratégie de l’Otan visant une présence plus « énergique » dans l’est de l’Europe et dans les pays baltes. Qui plus est, l’Empire du Chaos et son partenaire minoritaire british, qui forment la « relation spéciale », insistent pour que tous crachent plus de liquide (au moins 2 % du produit intérieur brut), au moment même où l’UE est en proie à rien de moins qu’une troisième récession en cinq ans.

Ce qui ressort, c’est qu’il n’y aura plus de rotation sur le front est de l’Otan. Sur le plan juridique, le déploiement ne peut être qualifié de « permanent », ce qui va à l’encontre de l’Acte fondateur Otan-Russie de 1997. Mais il sera tout de même permanent. Cela s’applique au soi-disant Corps multinational nord-est (terre, mer, air), basé à Szczecin, en Pologne, près de la mer Baltique. À toutes fins pratiques, l’Estonie et la Lettonie sont présentées comme les « prochaines cibles de Poutine » et la nouvelle ligne rouge de l’Otan est de défendre ces pays contre « l’agression russe ».

En outre, la Finlande et la Suède pourraient signer des accords de Soutien fourni par le pays hôte, qui autoriseraient les forces de l’Otan à passer par leur territoire pour se rendre où se feront ce qui est vaguement appelé des « opérations ». Il n’en demeure pas moins que le déploiement de forces étrangères doit être approuvé par les parlementaires, ce qui devrait faire sourciller plus d’un Suédois et Finnois.

 

Pas de R2P pour toi mon ami

Malgré toute cette hystérie digne de Mars Attaque !, l’Otan ne devrait pas en théorie aborder la question ukrainienne en détail au pays de Galles, ou évoquer une R2P (« responsabilité de protéger ») imminente en Ukraine contre « l’Empire du mal » (droits d’auteur à Ronnie Reagan) remixé. Mais il y aura des « consultations militaires » et un peu d’argent pour les militaires de Kiev, qui se font solennellement botter leur arrière-train collectif (en faillite) par les forces fédéralistes/séparatistes dans l’est de l’Ukraine, de la même façon que l’Otan s’est fait botter le sien par une bande de Pachtounes armés de kalachnikovs  en Afghanistan.

Soit dit en passant, le 1,4 million de dollars US que le Fonds monétaire international a déboursé en Ukraine (un prêt usuraire digne de gangsters, qui fera mal beaucoup plus tard) sera utilisé par Kiev, qui est déjà en faillite, pour payer principalement les chars d’assaut T-72 achetés à la Hongrie. Si j’avais un char, ça changerait ma vie… [6]

L’Ukraine, il est important de le souligner, n’est pas membre de l’Otan. Du point de vue technique, tout bon bureaucrate de l’Otan à Bruxelles reconnaît qu’un pays candidat doit faire une demande d’adhésion. Sauf que les contrées embourbées dans des différends internationaux ne sont pas admises. L’Ukraine ne pourrait donc être acceptée que si Kiev renonçait à la Crimée. Ça n’arrivera pas.

Pourtant, l’obsession qu’a Washington d’annexer l’Ukraine à l’Otan continuera de faire son chemin (pour ce qui est de l’accession, par contre, il faut s’attendre à un « non » catégorique de la part de l’Union européenne). Le premier ministre sortant, Arseni « Yats » Iatseniouk, tout comme le président Porochenko, souhaitent désespérément une intervention de l’Otan, ou du moins l’acceptation de l’Ukraine comme alliée privilégiée. Yats s’attend à « des décisions majeures de la part de nos partenaires occidentaux à ce sommet », mais en vain.

L’Otan est en quelque sorte déjà présente en Ukraine. Un groupe responsable d’un cybercentre de l’Otan est déjà à Kiev depuis mars, dans les locaux du Conseil national de sécurité et de défense. C’est donc un groupe de bureaucrates de l’Otan qui se charge du fil de l’actualité en Ukraine et de la diabolisation incessante de tout ce qui est russe.

L’Ukraine a tout à voir avec l’Allemagne à ce moment-ci. Berlin veut une solution politique, et vite. Berlin veut que le gaz naturel russe soit acheminé de nouveau via l’Ukraine, et vite. Berlin ne veut pas de bouclier antimissile dans l’est de l’Europe [7], même si les pays baltes le réclament à hauts cris. La dernière manie de Porochenko (Invasion ! Invasion ! Invasion !) n’est rien d’autre qu’une preuve du désespoir d’un humble vassal ruiné de l’Empire du Chaos. Ce qui n’empêche pas bien sûr Fogh la Guerre, qui doit son emploi à l’Otan pour avoir été un meneur de claque enthousiaste du viol de l’Irak, de continuer à vociférer contre « l’Invasion ! » jusqu’à ce que tous les golden retrievers danois rentrent au bercail.

 

La vraie partie

Notons aussi les récentes performances de l’Otan. Une défaite ignominieuse en Afghanistan. Un bombardement « humanitaire » qui a réduit un pays qui était stable, la Libye, en un État en déliquescence misérable plongé dans l’anarchie totale et ravagé par des milices enragées. C’est assez raté comme campagne de relations publiques faisant voir l’avenir de l’Otan comme une coalition à « vocation » mondiale, capable de mener des guerres avec une force expéditionnaire partout sur la planète, et qui se donne l’apparence d’un consensus militaire et politique reposant sur – Quoi d’autre ? – une doctrine de l’Empire du Chaos : le « concept stratégique » approuvé lors du sommet de Lisbonne de 2010 (voir l’article indiqué en note [8]).

Depuis les années à gogo sous la présidence de « Bubba » Clinton, en passant par l’époque de la guerre « préventive » de « Debeliou » Bush, jusqu’à la folie de la R2P en cours des méduses guerrières d’Obama (Rice, Power, Hillary), le Pentagone rêve d’une Otan omniprésente, un Robocop accaparant tous les rôles revenant à l’ONU et à l’Union européenne en matière de sécurité. Cela n’a absolument rien à voir avec la défense collective prônée à l’origine par les signataires de l’Otan contre d’éventuelles attaques de leur territoire. Oh, c’est vrai ! Nous avons oublié les attaques de missiles à ogive nucléaire (qui n’existent pas) déployés par l’Iran la vilaine.

Le champ de bataille ukrainien a au moins le mérite de montrer l’alliance sous son vrai jour. Pour le Pentagone et sa domination tous azimuts, ce qui importe avant tout, c’est d’assurer la poursuite de ce qui se passe depuis la chute de l’Union soviétique, soit l’expansion illimitée de l’Otan à la frontière occidentale de la Russie.

La vraie partie qui se joue en ce mois de septembre n’est pas au sommet de l’Otan. C’est au sommet  de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS). Attendez-vous à un bouleversement tectonique proverbial affectant les plaques géopolitiques au cours de ce sommet, un bouleversement d’une portée aussi considérable que lorsque l’Empire ottoman a frappé un mur aux portes de Vienne en 1683. À l’initiative de la Russie et de la Chine, au cours de ce sommet, l’Inde, le Pakistan, l’Iran et la Mongolie seront invités à devenir membres permanents de l’OCS. Les lignes de bataille sont tracées : Otan c. OCS. Otan c. BRICS. Otan c. hémisphère sud.

Autrement dit, l’Otan attaque ! [9]

 

Pepe Escobar

 

Notes

[1] Lockdown in Cardiff : City turned into high security « prison » with 10 mile « ring of steel » ahead of Nato conference, Daily Mail, 26-08-2014

[2] Mars Attacks!, YouTube, 19-05-2010

[3] Pre-Summit Press Conference by NATO Secretary General Anders Fogh Rasmussen at Residence Palace, Brussels, site de l’Otan, 01-09-2014

[4] NATO to create new « spearhead » force to respond to crises, Reuters, 01-09-2014

[5] Novorossia : independent, associated or (con)federated ?, The Vineyard of the Saker, 01-09-2014 (anglais, en cours de traduction en français)

[6] Dans le texte original, Pepe Escobar fait un jeu de mot avec le titre d’une chanson du groupe Dire Straits, Money for nothing. Nous avons rendu ce jeu de mot par le titre d’une chanson de 1978 du chanteur québecois Stephen Faulkner, Si j’avais un char, ça changerait ma vie. (char signifiant une voiture en québecois…).

[7] Baltic Fears : NATO Debates Directiong Missile Shield against Russia, Der Spiegel, 25-08-2014

[8] US a kid in a NATO candy store, Asia Times, 25-11-2010

[9] Mars Attacks!, YouTube, 11-10-2011

 

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Traduit par Daniel pour vineyardsaker.fr

> http://www.vineyardsaker.fr/2014/09/05/loeil-itinerant-lotan-attaque/

 

Source : NATO attacks !, Asia Times, 03-09-2014

 

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Pepe Escobar est l’auteur de Globalistan: How the Globalized World is Dissolving into Liquid War (Nimble Books, 2007), Red Zone Blues: a snapshot of Baghdad during the surge (Nimble Books, 2007), et de Obama does Globalistan (Nimble Books, 2009).

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