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21/08/2015

Donbass, les analyses de Françoise Compoint.

L’impasse donbassienne, marqueur des faiblesses de l’Empire.

Août 20, 2015.

Quand on se demande si la guerre otano-ukraino-donbassienne donnera lieu à une guerre plus vaste que celle à laquelle on assiste aujourd’hui, la seule réponse qui tienne véritablement est une réponse normande: ni oui ni non dans la mesure où le oui ou le non tient à la conjugaison des intérêts tant électoraux que nationaux américains. En principe, la carte moyen-orientale a déjà été jouée le nationalisme arabe ayant cédé la place au panislamisme. La Syrie, même lâchée par les “démocrates” atlantistes, mettra un temps fou à se reconstruire, l’Irak et la Libye sont détruits, l’Iran reste contrôlable via les accords sur le nucléaire signé avec Washington, le sort de la Turquie est très incertain vu les contradictions sociétales, ethniques et religieuses qui secouent l’héritière de l’Empire ottoman. Ce qui demeure intraitable – ou en tout cas ce que l’on veut nous présenter comme tel – c’est l’EI et les mouvances islamistes qui lui sont proches. Celles-ci, nombreuses, aguerries, biberonnées au pétrodollar, projetteraient une croisade contre la Russie via les réseaux salafistes du Caucase. Que la coalition ne parvienne pas à liquider une armée de fanatiques bien localisés et d’ailleurs très présents dans les zones désertiques, ce qui devrait rendre plus facile leur élimination, en dit très long sur les plans du Pentagone. Bien entendu, des voix d’opposants s’élèvent au sein du Congrès mais ne suffisent pas à changer foncièrement la donne. S’il y a un axe à briser, c’est bien l’axe eurasiatique. Comment ne pas reprendre la dernière analyse de Thierry Meyssan selon lequel la création d’un Tribunal pénal international destiné à juger les auteurs du crash du vol MH-17 avait en définitive vocation à se retourner contre Vladimir Poutine lui-même la Russie et ses “rebelles” soi-disant téléguidés ayant été automatiquement tenus pour responsables de la tragédie (voir ici). Mais Poutine n’est pas dupe. Son équipe non plus. Qu’en serait-il s’il n’avait pas apposé son veto sur l’ouverture de ce Tribunal dont les principes d’action mensongers n’auraient en rien différé de ceux qui avaient été appliqués à la Haye contre le défunt Milosevic ou au Tribunal spécial pour le Liban contre Assad? Que ce soit donc par le biais d’un avion descendu par l’on ne sait qui ou par le biais d’une nébuleuse de sectes islamistes, il s’agit d’affaiblir, de un, un partenaire économique et civilisationnel de l’Europe, de deux, détruire de l’intérieur l’OCS en décapitant l’un de ses membres clés, la Russie. Il s’agit aussi, nous l’avons vu dans nos articles précédents, de convaincre les Etats voisins de l’imminence d’une invasion russe alors donc qu’en violation de l’entente Gorbatchev-Reagan sur la non-extension des frontières de l’OTAN en échange de la réunification de l’Allemagne l’OTAN progresse bel et bien vers la Russie. En ce sens, ceux qui voient dans la Résistance du Donbass une sorte de bouclier humain ont parfaitement raison.

Cette stratégie multilatérale dont le mode de fonctionnement saute aux yeux depuis quelques bonnes années s’articule autour de trois axes:

- La mise en garde (Voyez comme tel régime est dangereux pour son peuple mais aussi pour vous, chers alliés européens!)

- La tentation (En soutenant notre action contre tel dictateur vous servez la Démocratie. On vous protègera parce que, comme vous défendez nos valeurs, vous êtes nos alliés.)

- Le chantage (Généralement exercé par la voix du Parlement bruxellois: si vous ne menez pas telle ou telle réforme, si vous n’accueillez pas autant d’immigrés, vous serez sanctionné).

L’application des ces trois principes passe par la reconnaissance tout à fait automatique de trois postulats :

- Les intérêts nationaux américains prévalent sur tous les autres.

- Les intérêts nationaux des autres Etats n’existent que s’ils n’entrent pas en contradiction avec les intérêts nationaux américains.

- Les peuples n’ont pas le droit de s’exprimer. Ce sont les oligarchies qui gouvernent. On le voit distinctement à l’exemple de l’application sélective du droit des peuples à l’autodétermination.

Le pouvoir de médiation de l’UE dans l’affaire ukrainienne aurait été en grande partie déterminant si ce n’était que les pays de l’ancienne Europe sont victimes du chantage étasunien et que celui-ci n’est possible qu’en vertu de deux facteurs: absence de Défense européenne l’OTAN étant pilotée par les USA, élites politiques vendues craignant de perdre leur place au soleil. S’il faut un exemple terriblement éloquent, il suffit de lire le rapport de Charles Rivkin, ambassadeur US à Paris entre 2009 et 2013, rapport dans lequel est décrite la façon dont il faut influencer les minorités en France (voir “Minority Engagment Strategy, 19 janvier 2010”) pour “par la suite faire progresser les intérêts nationaux américains”, pour mieux comprendre la politique suicidaire de l’UE avec l’accueil absurde de masses allogènes qu’il ne puit ni nourrir, ni loger, ni faire intégrer le marché du travail. Soit ces élites politiques, si elles agissent de leur plein gré, sont folles, soit elles ne sont pas libres de mener la politique qu’elles entendent. On peut critiquer tant qu’on veut François Hollande en considérant qu’il n’a pas la carrure d’un Président, la farce des Mistrals dessert la France sous tous les angles, surtout que les USA continuent à développer leurs échanges avec la Russie.

En définitive, ce à quoi aspirent les USA, c’est, d’une part, une Europe éternellement asservie à une dette exponentielle et à une dissolution ethnique (civilisationnelle) progressive, d’autre part, une Russie affaiblie avec des voisins baltes hostiles au nord, une Pologne hostile et une Ukraine désagrégée à l’Est, un Caucase en voie de sunnisation radicale et d’indépendantisation au sud. Il s’agit en quelque sorte d’une vision idéale réalisable dans l’imaginaire de l’Empire mais qui malheureusement pour lui ne tient pas compte de certaines réalités. A savoir:

- Tout système orwellien a ses limites. Un régime totalitaire ne peut se maintenir éternellement. Il en va de même du système de gouvernance totalitaire mondial devenu tel en 1944 suite aux accords de Bretton Woods et qui arrive à expiration vu que les moyens mis en œuvre pour faire perdurer l’hégémonie américaine commencent à coûter trop cher. Les USA ont de plus en plus de mal à gérer plusieurs zones d’influence à la fois.

- Les moyens de pression employés ( mise en garde, tentation, chantage) ont eux aussi des limites puisqu’ils agissent selon un principe rabattu, uniforme dont le résultat est totalement déconstructif. La propagande antirusse déployée par les médias atlantistes autour du dossier donbassien a beaucoup hâté ce processus de décrédibilisation.

- Il y a l’UE des technocrates bruxellois, des oligarchies supranationales et d’une intelligentsia, passez-moi l’expression, pourrie. Celle de Saint-Germain pour en revenir aux bonnes vieilles références françaises. Tout ce beau monde est en effet le meilleur allié des States. Mais il y a l’Europe des peuples souverains, majoritaire, pour qui l’Ukraine et l’immense conflit que le dossier ukrainien a entraîné avec la Russie ne réjouit que très peu. Suffit de voir l’exaspération contagieuse des agriculteurs européens ou des commentateurs du Nouvel Obs pour comprendre que le vieux monde colonisé qui s’est constitué au-delà de 1945 commence à se fissurer. Le changement de population que les USA essayent de mettre en œuvre conformément à la recette de 1925 contribuent à cette cure de désintoxication. En ce sens, le troisième postulat relatif au mutisme supposé des peuples est tout ce qu’il a de plus fragile.

Nous en venons à une contradiction intéressante puisqu’il en ressort donc que, d’une part, l’UE est prête à s’enflammer à n’importe quel moment et que, d’autre part, si elle s’enflamme, les USA qui s’y sont grandement investis devront faire marche arrière sur tous les fronts. Y compris le Donbass.

Ce schéma relativement long-termiste se double d’un pronostic plus immédiat. Les présidentielles américaines auront lieu en 2016. D’ici là, il faudra bien clore le dossier donbassien soit en trouvant un accord avec la Russie – sans l’UE qui n’a aucun poids réel ce qui invalidait dès ses débuts les deux Minsk et le format dit normand – soit en exacerbant le conflit jusqu’à le faire muter en une vaste guerre débordant des frontières actuelles et en admettant que la Russie s’en mêle. Or, il est évident que les USA ne veulent pas d’une confrontation directe avec la Russie. Dresser les Etats complexés et/ou rancuniers les uns contre les autres est une chose, s’impliquer directement en est une autre. De toute manière, quelle que soit l’option retenue, les USA perdent la partie comme d’ailleurs ils semblent la perdre en Syrie si les analyses de Thierry Meyssan (Réseau Voltaire) se confirment. Peut-être sommes-nous plus proches que jamais du déclin de l’Empire.

Françoise Compoint, pour Novorossia Today.

http://novorossia.today/l-impasse-donbassienne-marqueur-des-faiblesses-de-l-empire/

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Escalade dans le Donbass. Pourquoi OTAN et CIA n’abandonnent pas la partie

Août 18, 2015.

On y avait cru aux douces heures de Minsk-1. On y avait cru aux âpres heures de Minsk-2. On n’y croit plus et l’on n’y croira plus jamais. D’ailleurs, Zakhartchenko, n’a-t-il pas certifié lui-même lors d’une récente conférence de presse qu’il n’était plus question de proroger avec ou sans nouvelles conditions des accords bafoués par les FAU avec la bénédiction tacite des puissances atlantistes bien servies par les silences sélectifs de l’OSCE. Pas de Minsk-3, 25 ou 100 à l’horizon. La solution se trouve ailleurs.

Sur le terrain, le déploiement de 90.000 militaires sur toute la ligne de front, le grondement des MLRS qui va crescendo et la recrudescence des hostilités autour de Gorlovka et Slavianoserbsk n’annoncent que ce qui a déjàété confirmé par le ministère des Affaires étrangères russe: les FAU se préparent à percer sur trois axes: Donetsk-nord coupant de facto Donetsk de Gorlovka, Donetsk-sud depuis les environs de Volnovakha et du côté de Novoazovsk depuis Marioupol bloquant ainsi toute avancée éventuelle des forces républicaines vers la mer d’Azov. S’agirait-il d’un percée supposée décisive vu l’état exsangue du budget militaire ukrainien et les réticences du FMI, de la BCE et de l’UE à continuer leur soutien matériel à Kiev? De toute façon, l’état piteux de la grivna, la chute vertigineuse et continue du PIB ukrainien, les sanctions gazières russes ainsi que le coût exorbitant d’une seule journée de guerre sont autant de facteurs qui en d’autres circonstances auraient dû mettre un terme à la guerre depuis belle lurette. Mais il n’en est rien et il n’en sera rien. Cet argent manifestement venu de nulle part et qui tue n’a d’autre prix que celui du papier et de l’encre vert grisâtre qui servent à le produire. Ce qui nourrit le brasier ukraino-donbassien n’est que la continuation de ce qui avait nourri le Maïdan sans que l’on n’ait pu croire à ses débuts qu’une révolution orange achevée dégénère in fine en guerre par procuration camouflée en guerre civile. Cette guerre par procuration qui oppose l’OTAN à la Russie, l’impérialisme universaliste au national-souverainisme, a pris les traits d’une guerre d’usure. Une guerre d’usure ne pouvant durer indéfiniment et les solutions diplomatiques proposées par le quartet de Normandie ne valant plus rien, un dénouement militaire prompt et particulièrement violent serait à prévoir. Simplement, ni les Américains ni les puissances européennes occidentales n’en voudront. L’idéal pour eux serait de faire durer la partie aussi longtemps que possible. La motivation étasunienne est la plus complexe. Elle découle de trois prémisses.

Primo, s’il est vrai que le complexe militaro-industriel US n’est pas prêt à s’endormir sur ses lauriers – premier budget mondial de la Défense avec, de trois fois inférieur, le budget chinois, et de cinq fois inférieur, le budget russe – la modernisation de l’arsenal nucléaire américain semblait avoir été repoussée aux calendes grecques sous Obama. Les négociations sur le nucléaire iranien et le retrait des troupes américaines d’Afghanistan ont fragilisé les positions des néoconservateurs. Les vetos russe et chinois en Syrie ont aussi joué leur rôle qui à son tour a été renforcé par la décrédibilisation tout à fait spectaculaire des politiques Bush-Obama au Moyen-Orient suite aux prises de distance de Daesh quant à son démiurge washingtonien. Aussi terribles fussent-ils pour les populations qui payent la note, les dérapages du néoconservatisme ont contribué au développement du modèle multipolaire car de plus en plus d’Etats européens conscients du danger regardent du côté de l’Est. Il fallait par conséquent rétablir l’image de l’Ennemi suprême en jouant sur le crédulité béate des peuples européens. La Russie réendossa ce statut relégué aux oubliettes depuis l’ère Gorbatchev son pseudo-expansionnisme devant horrifier en premier lieu les pays Baltes et la Pologne à l’exemple de l’annexion criméenne et des troupes russes sillonnant les steppes du Donbass. L’accusation en miroir a toujours été le point fort des services de propagande atlantistes. Le conflit qui sévit actuellement en DNR-LNR a redoré le blason de l’Alliance atlantique en plongeant les pays traditionnellement russophobes et les Etats occidentaux satellisés dans un état d’hystérie préventive qu’il convient d’entretenir. Cette guerre d’usure minant le Donbass et l’ensemble de l’Ukraine n’est que le reflet d’une immense guerre d’usure économique et psychologique que les USA sont en train de mener contre l’UE.

Secundo, les insuccès accumulés de la CIA et le conflit qui a opposé son chef, John Brennan, au chef de la Commission de contrôle des activités de la CIA, Dianne Feinstein, a sensiblement secoué le renseignement qui a lui aussi joué sur la menace russe en Europe. Du coup d’Etat “démocratique” réussi de Kiev aux petits bonhommes verts guerroyant contre les FAU de Marioupol à l’oblast’ de Lougansk, il a tout fait pour justifier son existence dans le format repoussant qu’on lui connaît et qui n’est pas sans repousser les Américains eux-mêmes après qu’ils aient appris que Guantanamo et ses méthodes ne relevaient pas du cas isolé. Après une telle campagne de réhabilitation, pas question de se désintéresser du dossier ukrainien lui qui offre plusieurs leviers de pression à la fois.

Tertio, n’oublions pas que pour assurer sa pérennité tout Empire tend à l’expansion. Quand il ne s’étend pas par la guerre – expansion directe – il élargit ses zones d’influence, un peu à l’image d’une pieuvre qui étend ses tentacules. La stratégie du chaos est certes une notion rabattue mais c’est la seule qui explique encore et toujours l’émergence de nouvelles zones grises autour de la puissance à neutraliser. En l’occurence, la Russie. Le cas transnistrien est celui d’un conflit gelé que l’on croyait sur le point d’être réchauffé il y a près de trois mois, avec la nomination de Saakachvili gouverneur d’Odessa, que l’on oublia durant juillet et qui resurgit la semaine dernière avec les menaces de M. Jagland à l’encontre d’une Moldavie indocile. Si l’on arrive à geler le conflit donbassien en le dégelant à l’occasion, non seulement l’Ukraine n’arrivera jamais à redresser son économie – à quoi bon puisque c’est maintenant une colonie US – mais la Russie continuera à faire des cauchemars.

S’en suit que l’aide du FMI sera assurée au compte-gouttes. Il ne s’agit pas d’en finir de sitôt avec le Donbass. La motivation de l’UE est bien différente: Bruxelles voudra bien sûr une énième version de Minsk espérant, d’une façon dirais-je miraculeuse, ne pas être impliqué. Oui, il a bel et bien soutenu le Maïdan et la quasi-totalité de ses conséquences, mais cela partait de bonnes intentions! Tout comme aujourd’hui, il espèrerait que la diplomatie l’emporte sur la barbarie pour mettre ultérieurement en relief son rôle de médiateur irremplaçable. Or, une solution radicale ne puit être qu’une solution essentiellement militaire présupposant une contre-offensive massive de la part des DNR-LNR, c’est-à-dire une exacerbation sans précédent du conflit. Déjà qu’il ne sait comment payer le lourd tribut migrationniste qui lui incombe, l’UE aura à assumer les retombées de son suivisme pro-américain en Ukraine. Si les Républiques l’emportent, Washington perdra un levier de pression extraordinaire. L’heure est grave. Avant tout pour la Novorossia ce qui s’illustre par cette conclusion sans concession de Zakhartchenko: “Nous n’avons pas d’autre choix que de remporter cette guerre. Vaincre, c’est notre devoir”.

Françoise Compoint, pour Novorossia Today.

http://novorossia.today/escalade-dans-le-donbass-pourquoi-otan-et-cia-n-abandonnent-pas-la-partie/

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