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16/11/2013

An Eala Bhàn (The White Swan), by Julie Fowlis.

 

An Eala Bhàn - The White Swan

 

Song composed by Dòmhnall Ruadh Chorùna (Donald MacDonald of Coruna)

a Scottish-Gaelic poet from North Uist, whilst fighting

in the battle of the Somme, in the trenches of the Great War  

for his love, Mhagaidh Nic Leòid (Maggie MacLeod).

 

As performed by Julie Fowlis from the album "Dual",

that is very much recommended to lovers of Gaelic song and/or culture.

11/11/2013

Tout simplement des hommes...

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première guerre mondiale,ww1,poilus,11 novembre

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10/11/2013

La butte rouge

 

Sur c'te butt'là y'avait pas d'gigolettes
Pas de marlous ni de beaux muscadins.
Ah ! C'était loin du Moulin d'la Galette,
Et de Panam' qu'est le roi des pat'lins.
C'qu'elle en a bu du beau sang cette terre,
Sang d'ouvriers et sang de paysans,
Car les bandits qui sont cause des guerres
N'en meurent jamais, on n'tue qu'les innocents !

 

La Butt' Rouge, c'est son nom,

L'baptême s'fit un matin,

Où tous ceux qui montaient roulaient dans le ravin.

Aujourd'hui y'a des vignes, il y pousse du raisin.

Qui boira ce vin là, boira l'sang des copains.

Sur c'te butt'là on n'y f'sait pas la noce
Comme à Montmartr' où l'champagne coul' à flots;
Mais les pauvr's gars qu'avaient laissé des gosses
Y f'saient entendre de terribles sanglots !
C'qu'elle en a bu des larmes cette terre,
Larm's d'ouvriers, larmes de paysans,
Car les bandits qui sont cause des guerres
Ne pleurent jamais, car ce sont des tyrans !

 

La Butt' Rouge, c'est son nom,

L'baptême s'fit un matin,

Où tous ceux qui montaient roulaient dans le ravin.

 Aujourd'hui y'a des vignes, il y pousse du raisin.

Qui boit de ce vin là, boit les larmes des copains

Sur c'te butt'là, on y r'fait des vendanges,
On y entend des cris et des chansons ;
Filles et gars doucement y échangent
Des mots d'amour qui donnent le frisson.
Peuvent-ils songer, dans leurs folles étreintes,
Qu'à cet endroit où s'échangent leurs baisers,
J'ai entendu la nuit monter des plaintes
Et j'y ai vu des gars au crâne brisé !

 

La Butt' Rouge, c'est son nom,

L'baptême s'fit un matin,  

Où tous ceux qui montaient roulaient dans le ravin.

Aujourd'hui y'a des vignes, il y pousse du raisin.

Mais moi j'y vois des croix portant l'nom des copains !

 

« La butte rouge »

Ecrite par Gaston Mardochée Brunswick dit Montéhus, en 1923. 

26/08/2013

Hélie de Saint Marc

Hélie de Saint Marc

 

L'ancien officier s'est éteint ce matin à l'âge de 91 ans à La Garde-Adhémar, dans la Drôme. Il était devenu plus qu'un écrivain à succès, une référence morale et historique.

Hélie de Saint Marc, qui vient de mourir, connut un destin exceptionnel. Ne serait-ce que parce qu'au cours de sa longue vie il fut successivement l'homme de l'humiliation, de l'engagement, de la proscription avant d'être finalement réhabilité.

Humiliation : au printemps 1940, un adolescent assiste à Bordeaux à l'arrivée de l'armée française en déroute. Peu après, il entre dans la Résistance, décide de gagner l'Espagne, avant d'être arrêté dans les Pyrénées et déporté en Allemagne, au redoutable camp de travail de Langenstein.

Engagement : en 1945, un rescapé mal à l'aise dans la France de la Libération délaisse le statut que peut lui conférer son passé incontestable de résistant déporté, pour endosser la défroque mal taillée d'officier de la Légion étrangère. Avec l'armée française, il plonge dans une guerre incertaine en Indochine.

Proscription : en avril 1961, le commandant en second du 1er REP choisit la sédition pour protester contre la politique algérienne du général De Gaulle. Après l'échec du putsch, il connaît la prison.

Réhabilitation : longtemps, Hélie de Saint Marc reste silencieux, muré dans ses souffrances, acceptant son manteau de paria. Jusqu'à ce que l'amitié quasi paternelle qu'il porte à son neveu, l'éditeur Laurent Beccaria, le pousse à accepter de témoigner.

Hélie Denoix de Saint Marc témoigne dans l'émission Apostrophes en 1989, après la sortie de sa biographie. L'ancien officier, sorti de prison en 1966, qui vit paisiblement à Lyon, en pratiquant avec bonheur l'art d'être grand-père, devient en quelques livres l'icône d'un pays en mal de références.

 

Un mélange de tradition et de liberté

Hélie Denoix de Saint Marc incarnait la grandeur et la servitude de la vie militaire. De tout, il tirait des leçons de vie. Il relatait des faits d'armes oubliés, décrivait des héros inconnus. Il avait fait du Letton qui lui avait sauvé la vie à Langenstein, de son frère d'armes l'adjudant Bonnin mort en Indochine, du lieutenant Yves Schoen, son beau-frère, de Jacques Morin, son camarade de la Légion, des seigneurs et des héros à l'égal d'un Lyautey, d'un Bournazel, d'un Brazza. Au fil de souvenirs élégamment ciselés, il dessinait une autre histoire de France, plus humaine, plus compréhensible que celle des manuels scolaires.

Écouter ou lire Saint Marc, c'était voir passer, par la grâce de sa voix étonnamment expressive et de sa plume sensible et claire, une existence riche et intense.

Né en 1922, Hélie Denoix de Saint Marc était un fruit de la société bordelaise de l'avant-guerre, et de l'éducation jésuite. Il avait été élevé dans un mélange de tradition et de liberté (n'est-ce pas le directeur de son collège qui l'avait poussé à entrer dans le réseau Jade-Amicol ?). De sa vie dans les camps, de son expérience de l'inhumanité, de ses séjours en Indochine, puis en Algérie, il faisait le récit sobre et émouvant, jusqu'aux larmes. Et de son geste de rébellion, il parlait toujours avec retenue, mezza-voce, comme s'il était encore hanté par les conséquences de celui-ci.

Ses milliers de lecteurs, ses admirateurs, tous ceux qui se pressaient à ses conférences, aimaient en lui ceci : par son histoire se retrouvaient et se réconciliaient plusieurs France : celle de la Résistance, celle de la démocratie chrétienne et celle de l'Algérie française. Aux diverses phases de son existence, Saint Marc avait su donner une unité, en martelant : "Il n'y a pas d'actes isolés. Tout se tient". C'était un être profond qui cherchait davantage à comprendre qu'à condamner. D'une conversation avec lui, on tirait toujours quelque chose sur soi-même, sur ses passions, ses tentations ou ses errements.

 

Cortège d'horreur, d'héroïsme et de dilemmes

La grande leçon qu'administrait Saint Marc, c'était que le destin d'un homme - et plus largement celui d'un pays - ne se limite pas à une joute entre un Bien et un Mal, un vainqueur et un vaincu. Il avait comme personne connu et subi la guerre, avec son cortège d'horreur, d'héroïsme et de dilemmes : en Indochine, que faire des partisans auxquels l'armée française avait promis assistance, maintenant qu'elle pliait bagage ? En Algérie, que dire à ses hommes en opération, alors que le gouvernement avait choisi de négocier avec le FLN ?

Son parcours chaotique, abîmé, toujours en quête de sens, n'avait en rien altéré sa personnalité complexe et attachante qui faisait de lui un homme de bonne compagnie et lui valait des fidélités en provenance des horizons les plus divers.

L'une d'elles, parmi les plus inattendues (et, au fond, des plus bouleversantes), s'était nouée il y a une dizaine d'années avec l'écrivain et journaliste allemand August von Kageneck.

Cet ancien officier de la Wehrmacht avait demandé à s'entretenir avec son homologue français. Leur conversation, parsemée d'aveux et de miséricorde, devint un livre : Notre histoire (2002).

Kageneck était mort peu de temps après, comme si avoir reçu le salut (et pour ainsi dire l'absolution) d'un fraternel adversaire l'avait apaisé pour l'éternité. Sa photo en uniforme de lieutenant de panzers était dans le bureau de Saint Marc, à côté de celle de sa mère, qu'il vénérait.

 

Rien d'un ancien combattant

D'autres admirations pouvaient s'exprimer dans le secret. Ce fut le cas dès son procès, où le commandant de Saint Marc suscita la curiosité des observateurs en se démarquant du profil convenu du "réprouvé". Des intellectuels comme Jean Daniel, Jean d'Ormesson, Régine Deforges, Gilles Perrault, un écrivain comme François Nourissier lui témoignèrent leur estime. Se souvient-on que ses Mémoires, Les Champs de braises, furent couronnés en 1996 par le Femina essai, prix décerné par un jury de romancières a priori peu sensibles au charme noir des traîneurs de sabre ?

En novembre 2011, Hélie de Saint Marc fut fait grand-croix de la Légion d'honneur par le président de la République. Dans la cour des Invalides, par une matinée glaciale, le vieil homme recru d'épreuves et cerné par la maladie reçut cette récompense debout, des mains de Nicolas Sarkozy. Justice lui était faite. Commentant cette cérémonie, il disait d'une voix où perçait une modestie un brin persifleuse : "La Légion d'honneur, on me l'a donnée, on me l'a reprise, on me l'a rendue…"

À ces hommages s'ajoutèrent au fil des ans les nombreux signes de bienveillance de l'institution militaire (notamment grâce à une nouvelle génération d'officiers libérée des cas de conscience qui entravaient leurs aînés), qui furent comme un baume au cœur de cet homme qui prenait tout avec une apparente distance, dissimulant sa sensibilité derrière l'humour et la politesse.

Histoire authentique ou apocryphe, il se raconte qu'un jour l'ex-commandant de Saint Marc avait été accosté par une admiratrice qui lui avait glissé : "Je suis fière d'habiter la France, ce pays qui permet à un ancien putschiste de présider le Conseil d'État". La bonne dame confondait Hélie avec son neveu Renaud (aujourd'hui membre du Conseil constitutionnel). Cette anecdote recèle quelque vérité. La France contemporaine l'avait pleinement adopté, ayant compris que cet homme lui ressemblait, avec ses engagements heureux ou tragiques, ses zones d'ombre, ses chagrins et ses silences.

Hélie de Saint Marc n'avait rien d'un "ancien combattant". S'il avait insolemment placardé à la porte de son bureau le mandat d'arrêt délivré contre lui en mai 1961, il parlait de ceux qui avaient été ses adversaires avec mansuétude. Quand un article lui était consacré dans Le Figaro, il ne manquait jamais de demander à son auteur, avec ironie : "Avez-vous eu une réaction des gaullistes ?" Son épouse, Manette, et leurs quatre filles s'attachaient à lui faire mener une vie tournée vers l'avenir. Il n'était pas du genre à raconter ses guerres, s'enquérant plutôt de la vie de ses amis, les pressant de questions sur le monde moderne, ses problèmes, ses défis. Ce vieux soldat bardé d'expériences comme d'autres le sont de diplômes n'avait jamais renoncé à scruter son époque pour la rendre un tant soit peu plus intelligible.

 

Énigme insondable

L'existence humaine restait pour lui une énigme insondable. À Buchenwald, Saint Marc avait laissé la foi de son enfance. L'éclatement de tout ce qui avait été le socle de son éducation l'avait laissé groggy. Une vie de plus de quatre-vingt-dix ans n'avait pas suffi pour reconstituer entièrement un capital de joie et d'espérance. C'était un être profondément inquiet, qui confessait que sa foi se résumait à une minute de certitude pour cinquante-neuf de doute. Le mal, la souffrance, le handicap d'un enfant, ces mystères douloureux le laissaient sans voix.

Attendant la fin, il confiait récemment avec un détachement de vieux sage : "La semaine dernière, la mort est encore passée tout près de moi. Je l'ai tout de suite reconnue : nous nous sommes si souvent rencontrés".

 

Etienne de Montety

 

Source : Le Figaro

Via : Synthèse Nationale

 

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 http://www.heliedesaintmarc.com/Index.htm

 

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« Les adolescents d’aujourd’hui ont peur d’employer des mots comme la fidélité, l’honneur, l’idéal ou le courage. Sans doute ont-ils l’impression que l’on joue avec ces valeurs – et que l’on joue avec eux. Ils savent que leurs aînés se sont abîmé les ailes. Je voudrais leur expliquer comment les valeurs de l’engagement ont été la clef de voûte de mon existence, comment je me suis brûlé à elles, et comment elles m’ont porté. Il serait criminel de dérouler devant eux un tapis rouge et de leur faire croire qu’il est facile d’agir. La noblesse du destin. humain, c’est aussi l’inquiétude, l’interrogation, les choix douloureux qui ne font ni vainqueur ni vaincu.

Que dire à un cadet ? Peut-être, avec pudeur, lui glisser dans la paume de la main deux ou trois conseils : mettre en accord ses actes et ses convictions ; pouvoir se regarder dans la glace sans avoir à rougir de lui-même ; ne pas tricher, sans doute la plus difficile, pratiquer et tâcher de concilier le courage et la générosité ; rester un homme libre.

J’ai toujours essayé de récupérer les débris de mon existence pour faire tenir debout mon être intérieur. Même en prison et réprouvé, j’ai cherché à être heureux.

Un ami m’a dit un jour : “tu as fait de mauvais choix, puisque tu as échoué”. Je connais des réussites qui me font vomir. J’ai échoué, mais l’homme au fond de moi a été vivifié.  

Je tiens le courage en haute estime car il me semble contenir toutes les autres vertus.  
Je crains les êtres gonflés de certitudes. Ils me semblent tellement inconscients de la complexité des choses … Pour ma part, j’avance au milieu d’incertitudes. J’ai vécu trop d’épreuves pour me laisser prendre au miroir aux alouettes. 

Ai-je toujours été fidèle ? Ai-je toujours agi selon l’honneur ? J’ai essayé, sans jamais y parvenir entièrement, d’être digne des autres et de la vie. Je ne connais pas de vérité tranquille. Je veux ajouter de la vie aux années qui me restent, témoigner de tout ce qui dure, retrouver la vérité de l’enfant que j’ai été. Simplement essayer d’être un homme. »

 

Toute une vie, Hélie de Saint Marc.

Source : Zentropa

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16/08/2013

Jean-pax Méfret : Le vieux soldat

15/07/2013

Ungern vu par Evola / Part.1

Le baron von Ungern vénéré dans les temples mongols.

Par Julius Evola

 

Depuis peu, on ne cesse d’écrire sur une figure qui, malgré sa stature extraordinaire, était passée presque inaperçue dans le tumulte consécutif à la précédente guerre : celle du baron Ungern-Sternberg. Ossendovski avait été le premier à s’intéresser à lui, à grands renforts d’effets dramatiques, dans son célèbre et très controversé Bêtes, hommes et dieux. Il a été suivi par une vie "romancée" du baron von Ungern, publiée par Vladimir Pozner sous le titre de La Mort aux dents ; puis, par une seconde vie romancée, de B. Krauthoff : Ich befehle - Kampf und Tragödie des Barons Ungern-Sternberg.

Ces livres semblent toutefois donner une image inadéquate du baron von Ungern, dont la figure, la vie et l’activité sont susceptibles de laisser une grande latitude à la fantaisie en raison de leurs aspects complexes et énigmatiques. René Guénon, le célèbre écrivain traditionaliste, contribua à mieux faire connaître le baron en publiant des passages de lettres écrites en 1924 par le major Alexandrovitch, qui avait commandé l’artillerie mongole en 1918 et en 1919 sous les ordres directs de von Ungern; et ces données, d’une authenticité incontestable, laissent à penser que les auteurs de ces vies romancées se sont souvent appuyés sur des informations inexactes, même en ce qui concerne la fin du baron.

Descendant d’une vieille famille balte, von Ungern peut être considéré comme le dernier adversaire acharné de la révolution bolchevique, qu’il combattit avec une haine implacable et inextinguible. Ses principaux faits d’armes se déroulèrent dans une atmosphère saturée de surnaturel et de magie, au cœur de l’Asie, sous le règne du dalaï-lama, le "Bouddha vivant". Ses ennemis l’appelaient "le baron sanguinaire" ; ses disciples, le "petit père sévère" (c’est le tsar que l’on appelait "petit père"). Quant aux Mongols et aux Tibétains, ils le considéraient comme une manifestation de la force invincible du dieu de la guerre, de la même force surnaturelle que celle de laquelle, selon la légende, serait "né" Gengis Khan, le grand conquérant mongol. Ils ne croient pas à la mort de von Ungern – il semble que, dans divers temples, ils en conservent encore l’image, symbole de sa "présence".

Lorsqu’éclata la révolution bolchevique, von Ungern, fonctionnaire russe, leva en Orient une petite armée, la "Division asiatique de cavalerie", qui fut la dernière à tenir tête aux troupes russes après la défaite de Wrangel et de Kolchak et accomplit des exploits presque légendaires. Avec ces troupes, von Ungern libéra la Mongolie, occupée alors par des troupes chinoises soutenues par Moscou ; après qu’il eut fait évader, par un coup de main extrêmement audacieux, le dalaï-lama, celui-ci le fit premier prince et régent de la Mongolie et lui donna le titre de prêtre. Von Ungern devait entrer en relation, non seulement avec le dalaï-lama, mais aussi avec des représentants asiatiques de l’islam et des personnalités de la Chine traditionnelle et du Japon. Il semble qu’il ait caressé l’idée de créer en grand empire asiatique fondé sur une idée transcendante et traditionnelle, pour lutter, non seulement contre le bolchevisme, mais aussi contre toute la civilisation matérialiste moderne, dont le bolchevisme, pour lui, était la conséquence extrême. Et tout laisse à penser que von Ungern, à cet égard, ne suivit pas une simple initiative individuelle, mais agit dans le sens voulu par quelqu’un qui était, pour ainsi dire, dans les coulisses.

 

Le mépris de von Ungern pour la mort dépassait toutes les limites et avait pour contrepartie une invulnérabilité légendaire. Chef, guerrier et stratège, le "baron sanguinaire" était doté en même temps d’une intelligence supérieure et d’une vaste culture et, de surcroît, d’une sorte de clairvoyance : par exemple, il avait la faculté de juger infailliblement tous ceux qu’il fixait du regard et de reconnaître en eux, au premier coup d’œil, l’espion, le traître ou l’homme le plus qualifié pour un poste donné ou une fonction donnée. Pour ce qui est de son caractère, voici ce qu’écrit son compagnon d’armes, Alexandrovitch : "Il était brutal et impitoyable comme seul un ascète peut l’être. Son insensibilité dépassait tout ce que l’on peut imaginer et semblait ne pouvoir se rencontrer que chez un être incorporel, à l’âme froide comme la glace, ne connaissant ni la douleur, ni la pitié, ni la joie, ni la tristesse". Il nous paraît ridicule d’essayer, comme l’a fait Krauthoff, d’attribuer ces qualités au contrecoup occasionné par la mort tragique d’une femme qu’aurait aimée von Ungern. C’est toujours la même histoire : les biographes et les romanciers modernes n’ont point de cesse qu’ils n’aient introduit partout le thème obligatoire de l’amour et de la femme, même là où il est le moins justifié. Même si l’on tient compte du fait que von Ungern était bouddhiste par tradition familiale (c’était la religion à laquelle s’était converti un de ces ancêtres, qui était allé faire la guerre en Orient), tout laisse à penser que les qualités indiquées par Alexandrovitch se rapportent au contraire à une supériorité réelle et qu’elles sont celles qui apparaissent dans tous ceux qui sont en contact avec un plan vraiment transcendant, supra-humain, auquel ne peuvent plus s’appliquer les normes ordinaires, les notions communes du bien et du mal et les limitations de la sentimentalité, mais où règne la loi de l’action absolue et inexorable. Le baron von Ungern aurait probablement pu devenir un "homme du destin", si les circonstances lui avaient été favorables. Il n’en fut rien et c’est ainsi que son existence fut semblable à la lueur fugace et tragique d’un météore.

Après avoir libéré la Mongolie, von Ungern marche sur la Sibérie, prenant tout seul l’initiative de l’attaque contre les troupes du "Napoléon rouge", le général bolchevique Blücher. Il devient la terreur des bolcheviques, qu’il combat impitoyablement, jusqu’au bout, même s’il comprend que son combat est sans espoir. Il obtient d’importants succès, occupe plusieurs villes. Finalement, à Verchnevdiusk, attaqué par des forces bolcheviques plus de dix fois supérieures aux siennes et décidées à en finir avec leur dernier antagoniste, il est contraint de se replier après un long et âpre combat.

 

À partir de ce moment, on ne sait plus rien de précis sur le sort de von Ungern. D’après les deux auteurs de sa biographie "romancée", Pozner et Krauthoff, il aurait été trahi par une partie de son armée, serait tombé dans un état de prostration et de démoralisation et, fait prisonnier, il aurait été fusillé par les rouges. Krauthoff imagine même une entrevue dramatique entre le "Napoléon rouge" et von Ungern, au cours de laquelle celui-ci aurait refusé la proposition que celui-là lui aurait fait de lui laisser la vie sauve s’il servait la cause des rouges comme général soviétique. Il semble toutefois que tout cela ne soit que pure invention : d’après les informations publiées par Guénon et auxquelles nous avons fait allusion plus haut, von Ungern n’aurait nullement été fait prisonnier, mais serait mort de mort naturelle près de la frontière tibétaine [1].

Cependant, les diverses versions concordent singulièrement sur un détail, c’est-à-dire sur le fait que von Ungern aurait connu avec exactitude le jour de sa mort. D’ailleurs, un lama lui avait prédit qu’il aurait été blessé – au cours de l’attaque des troupes rouges à la station de Dauria. Et ce ne sont pas là les seuls éléments qui rendent suggestive l’étrange figure du "baron sanguinaire". Voici un curieux témoignage sur les effets que, à certains moments, son regard produisait sur ceux qu’il fixait : "Il éprouva une sensation inconnue, inexplicable, de terreur : une sorte de son emplit sa poitrine, semblable à celui d’un cercle d’acier qui se resserre de plus en plus". Le fait est que, pour ceux qui étaient proches de lui, son prestige et le caractère irrésistible de sa force de commandement revêtaient quelque chose de surnaturel et le distinguaient ainsi d’un simple chef militaire.

Encore un fait singulier : d’après ce que rapporte Guénon, des phénomènes énigmatiques, de nature "psychique", se sont produits ces derniers temps dans le château de von Ungern, comme si la force et la haine de celui qui fut considéré au Tibet comme une manifestation du "dieu de la guerre" brandie contre la subversion rouge avait survécu à sa mort, sous forme de résidus agités de cette figure tragique, qui a, sous plus d’un aspect, les traits d’un symbole.

 

Julius Evola

La Stampa, 15.III.1943 – XXI E.F.

 

* * *

 

[1] Les archives soviétiques indiquent que von Ungern fut effectivement trahi, capturé, jugé et fusillé sur les ordres de Lénine.

 

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Sources : Evola As He Is

 

http://www.centrostudilaruna.it/ 

http://euro-synergies.hautetfort.com/

http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2013/06/24/l...

 

von ungern-sternberg,julius evola

06/06/2013

Thor devenu Roland...

Statues allemandes de Roland.

 

La statuaire médiévale de l’Allemagne du Nord est en tout point apparentée à celle de France, sauf en un cas : elle offre la particularité de présenter d’immenses statues figurant un guerrier armé d’une épée. On les rencontre principalement en Allemagne du Nord, surtout en Basse-Saxe – la Saxe de Charlemagne – en Holstein et en Brandebourg, notamment à Wedel, Müchel, Hambourg, Brême, Halle, Nordhausen, Magdebourg, Brandebourg, Zerbst, Stendal. On les appelle « les statues de Roland ». Lorsque la Chanson de Roland fut traduite en allemand, on se prit à établir une relation entre elles et le héros. Elles sont la marque de la souveraineté juridique des cités, donc le symbole de leurs libertés. Leur signification proprement juridique peut avoir varié selon les villes, ce qui a fait les délices des querelles entre juristes. Il est à peu près certain, en revanche, depuis les travaux de Jacob Grimm, que ces prétendues effigies de Roland ne sont rien d’autre que la métamorphose, à l’ère chrétienne, des grandes idoles abattues par Charlemagne. Grimm rapproche ces statues de Roland des statues de Thor érigées en Suède, et par ailleurs cite plusieurs exemples médiévaux d’assimilation entre Charlemagne et Wotan d’une part, entre Roland et Thor de l’autre. Il y a fort à parier que ces statues furent considérées au Moyen Âge comme de véritables idoles tutélaires des cités où elles se dressaient.

 

Pierre Béhar, « Du Ier au IVème Reich » (Éd. Desjonquère, 1990, p.52)

Via « La Nouvelle Revue d’Histoire » (N°66, mai-juin 2013, p.44)

 

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Brême, statue érigée en 1404, en lieu et place d’un Roland de bois ayant brûlé en 1366.

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Brandeburg an der Havel

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Questenberg

 

Mais aussi à…

Riga – Lettonie

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Dubrovnik – Croatie

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Metz – France

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30/04/2013

30 avril 1863 / Camerone

25/01/2013

Pas de liberté sans vaillance...

« Des hommes illustres ont pour tombeau la terre entière. Leur mémoire ne se conserve pas seulement dans leur pays, où on leur élève des stèles avec des inscriptions, mais aussi en terre étrangère, où, à défaut d’épitaphe, leur souvenir reste gravé non dans la pierre, mais dans l’esprit de chacun.

Prenez donc ces hommes pour modèles. Considérez à leur exemple qu’il n’y a pas de bonheur sans liberté et pas de liberté sans vaillance et ne vous laissez pas émouvoir par les périls de la guerre. »

 

Thucydide, « La guerre du Péloponnèse », Oraison funèbre de Périclès, II-43.

 

Note empruntée à : Du Haut Des Cimes.

>>> http://dhdc2917.eu/des-hommes-illustres/

 

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>>> http://www.tomafineart.com/gallery/greek.html

16/12/2012

Saint-Loup

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Saint-Loup

 

Marc Augier (19 mars 1908 – 16 décembre 1990)

 

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L’Homme du Grand Midi

 

J’ai découvert Saint-Loup en décembre 1961. J’avais dix-huit ans et me trouvais en résidence non souhaitée, aux frais de la Ve République, pour incompatibilité d’humeur avec la politique qui était alors menée dans une Algérie qui n’avait plus que quelques mois à être française. On était à quelques jours du solstice d’hiver – mais je ne savais pas encore, à l’époque, ce qu’était un solstice d’hiver, et ce que cela pouvait signifier. Depuis j’ai appris à lire certains signes.

Lorsqu’on se retrouve en prison, pour avoir servi une cause déjà presque perdue, le désespoir guette. Saint-Loup m’en a préservé, en me faisant découvrir une autre dimension, proprement cosmique, à l’aventure dans laquelle je m’étais lancé. à corps et à cœur perdus, avec mes camarades du mouvement Jeune Nation. Brave petit militant nationaliste, croisé de la croix celtique, j’ai découvert avec Saint-Loup, et grâce à lui, que le combat, le vrai et éternel combat avait d’autres enjeux, et une toute autre ampleur, que l’avenir de quelques malheureux départements français au sud de la Méditerranée. En poète – car il était d’abord et avant tout un poète, c’est-à-dire un éveilleur – Saint-­Loup m’a entraîné sur la longue route qui mène au Grand Midi de Zarathoustra. Bref, il a fait de moi un païen, c’est-à-dire quelqu’un qui sait que le seul véritable enjeu, depuis deux mille ans, est de savoir si l’on appartient, mentalement, aux peuples de la forêt ou à cette tribu de gardiens de chèvres qui, dans son désert, s’est autoproclamée élue d’un dieu bizarre – « un méchant dieu », comme disait l’ami Gripari.

J’ai donc à l’égard de Saint-Loup la plus belle et la plus lourde des dettes – celle que l’on doit à qui nous a amené à dépouiller le vieil homme, à bénéficier de cette seconde naissance qu’est toute authentique initiation, au vrai et profond sens du terme. Oui, je fais partie de ceux qui ont découvert le signe éternel de toute vie, la roue, toujours tournante, du Soleil Invaincu.

Chaque livre de Saint-Loup est, à sa façon, un guide spirituel. Mais certains de ses ouvrages ont éveillé en moi un écho particulier. Je voudrais en évoquer plus particulièrement deux – sachant que bien d’autres seront célébrés par mes camarades.

 

Au temps où il s’appelait Marc Augier, Saint-Loup publia un petit livre, aujourd’hui très recherché, Les Skieurs de la Nuit. Le sous-titre précisait : Un raid de ski-camping en Laponie finlandaise. C’est le récit d’une aventure, vécue au solstice d’hiver 1938, qui entraîna deux Français au-delà du Cercle polaire. Le but ? « Il fallait, se souvient Marc Augier, dégager le sens de l’amour que je dois porter à telle ou telle conception de vie, déterminer le lieu où se situent les véritables richesses. »

Le titre du premier chapitre est, en soi, un manifeste : « Conseil aux campeurs pour la conquête du Graal. » Tout Saint-Loup est déjà là. En fondant en 1935, avec ses amis de la SFIO et du Syndicat national des instituteurs, les Auberges laïques de la Jeunesse, il avait en effet en tête bien autre chose que ce que nous appelons aujourd’hui « les loisirs » – terme dérisoire et même nauséabond, depuis qu’il a été pollué par Trigano.

Marc Augier s’en explique, en interpellant la bêtise bourgeoise : « Vous qui avez souri, souvent avec bienveillance, au spectacle de ces jeunes cohortes s’éloignant de la ville, sac au dos, solidement chaussées, sommairement vêtues et qui donnaient à partir de 1930 un visage absolument inédit aux routes françaises, pensiez-vous que ce spectacle était non pas le produit d’une fantaisie passagère, mais bel et bien un de ces faits en apparence tout à fait secondaires qui vont modifier toute une civilisation ? La chose est vraiment indiscutable. Ce départ spontané vers les grands espaces, plaines, mers, montagnes, ce recours au moyen de transport élémentaire comme la marche à pied, cet exode de la cité, c’est la grande réaction du XXe siècle contre les formes d’habitat et de vie perfectionnées devenues à la longue intolérables parce que privées de joies, d’émotions, de richesses naturelles. J’en puise la certitude en moi-même. À la veille de la guerre, dans les rues de New York ou de Paris, il m’arrivait soudain d’étouffer, d’avoir en l’espace d’une seconde la conscience aiguë de ma pauvreté sensorielle entre ces murs uniformément laids de la construction moderne, et particulièrement lorsqu’au volant de ma voiture j’étais prisonnier, immobilisé pendant de longues minutes, enserré par d’autres machines inhumaines qui distillaient dans l’air leurs poisons silencieux. Il m’arrivait de penser et de dire tout haut :  Il faut que ça change… cette vie ne peut pas durer ».

Conquérir le Graal, donc. En partant à ski, sac au dos, pour mettre ses pas dans des traces millénaires. Car, rappelle Marc Augier, « au cours des migrations des peuples indo-européens vers les terres arctiques, le ski fut avant tout un instrument de voyage ». Et il ajoute : « En chaussant les skis de fond au nom d’un idéal nettement réactionnaire, j’ai cherché à laisser derrière moi, dans la neige, des traces nettes menant vers les hauts lieux où toute joie est solidement gagnée par ceux qui s’y aventurent ». En choisissant de monter, loin, vers le Nord, au temps béni du solstice d’hiver, Marc Augier fait un choix initiatique.

« L’homme retrouve à ces latitudes, à cette époque de l’année, des conditions de vie aussi voisines que possible des époques primitives. Comme nous sommes quelques-uns à savoir que l’homme occidental a tout perdu en se mettant de plus en plus à l’abri du combat élémentaire, seule garantie certaine pour la survivance de l’espèce, nous avons retiré une joie profonde de cette confrontation [...]. Les inspirés ont raison. La lumière vient du Nord… [...] Quand je me tourne vers le Nord, je sens, comme l’aiguille aimantée qui se fixe sur tel point et non tel autre point de l’espace, se rassembler les meilleures et les plus nobles forces qui sont en moi ».

Dans le grand Nord, Marc Augier rencontre des hommes qui n’ont pas encore été pollués par la civilisation des marchands, des banquiers et des professeurs de morale.

Les Lapons nomades baignent dans le chant du monde, vivent sans état d’âme un panthéisme tranquille, car ils sont : « en contact étroit avec tout un complexe de forces naturelles qui nous échappent complètement, soit que nos sens aient perdu leur acuité soit que notre esprit se soit engagé dans le domaine des valeurs fallacieuses. Toute la gamme des croyances lapones (nous disons aujourd’hui « superstitions »avec un orgueil que le spectacle de notre propre civilisation ne paraît pas justifier) révèle une richesse de sentiments, une sûreté dans le choix des valeurs du bien et du mal et, en définitive, une connaissance de Dieu et de l’homme qui me paraissent admirables. Ces valeurs religieuses sont infiniment plus vivantes et, partant, plus efficaces que les nôtres, parce qu’incluses dans la nature, tout à fait à portée des sens, s’exprimant au moyen d’un jeu de dangers, de châtiments et de récompenses fort précis, et riches de tout ce paganisme poétique et populaire auquel le christianisme n’a que trop faiblement emprunté, avant de se réfugier dans les pures abstractions de l’âme ».

Le Lapon manifeste une attitude respectueuse à l’égard des génies bienfaisants, les Uldra, qui vivent sous terre, et des génies malfaisants, les Stalo, qui vivent au fond des lacs. Il s’agit d’être en accord avec l’harmonie du monde : « passant du monde invisible à l’univers matériel, le Lapon porte un respect et un amour tout particuliers aux bêtes. Il sait parfaitement qu’autrefois toutes les bêtes étaient douées de la parole et aussi les fleurs, les arbres de la taïga et les blocs erratiques… C’est pourquoi l’homme doit être bon pour les animaux, soigneux pour les arbres, respectueux des pierres sur lesquelles il pose le pied. »

C’est par les longues marches et les nuits sous la tente, le contact avec l’air, l’eau, la terre, le feu que Marc Augier a découvert cette grande santé qui a pour nom paganisme. On comprend quelle cohérence a marqué sa trajectoire, des Auberges de Jeunesse à l’armée européenne levée, au nom de Sparte, contre les apôtres du cosmopolitisme.

 

Après avoir traversé, en 1945,  le crépuscule des dieux. Marc Augier a choisi de vivre pour témoigner. Ainsi est né Saint-Loup, auteur prolifique, dont les livres ont joué, pour la génération à laquelle j’appartiens, un rôle décisif. Car en lisant Saint-Loup, bien des jeunes, dans les années 60, ont entendu un appel. Appel des cimes. Appel des sentiers sinuant au cœur des forêts. Appel des sources. Appel de ce Soleil Invaincu qui, malgré tous les inquisiteurs, a été, est et sera le signe de ralliement des garçons et des filles de notre peuple en lutte pour le seul droit qu’ils reconnaissent – celui du sol et du sang.

 

Cet enseignement, infiniment plus précieux, plus enrichissant, plus tonique que tous ceux dispensés dans les tristes et grises universités, Saint-Loup l’a placé au cœur de la plupart de ses livres. Mais avec une force toute particulière dans La Peau de l’Aurochs.

Ce livre est un roman initiatique, dans la grande tradition arthurienne : Saint-Loup est membre de ce compagnonnage qui, depuis des siècles, veille sur le Graal. Il conte l’histoire d’une communauté montagnarde, enracinée au pays d’Aoste, qui entre en résistance lorsque les prétoriens de César – un César dont les armées sont mécanisées – veulent lui imposer leur loi, la Loi unique dont rêvent tous les totalitarismes, de Moïse à George Bush. Les Valdotains, murés dans leur réduit montagnard, sont contraints, pour survivre, de retrouver les vieux principes élémentaires : se battre, se procurer de la nourriture, procréer. Face au froid, à la faim, à la nuit, à la solitude, réfugiés dans une grotte, protégés par le feu qu’il ne faut jamais laisser mourir, revenus à l’âge de pierre, ils retrouvent la grande santé : leur curé fait faire à sa religion le chemin inverse de celui qu’elle a effectué en deux millénaires et, revenant aux sources païennes, il redécouvre, du coup, les secrets de l’harmonie entre l’homme et la terre, entre le sang et le sol. En célébrant, sur un dolmen, le sacrifice rituel du bouquetin – animal sacré car sa chair a permis la survie de la communauté, il est symbole des forces de la terre maternelle et du ciel père, unis par et dans la montagne –, le curé retrouve spontanément les gestes et les mots qui calment le cœur des hommes, en paix avec eux-mêmes car unis au cosmos, intégrés – réintégrés – dans la grande roue de l’Éternel Retour.

De son côté, l’instituteur apprend aux enfants de nouvelles et drues générations qui ils sont, car la conscience de son identité est le plus précieux des biens : « Nos ancêtres les Salasses qui étaient de race celtique habitaient déjà les vallées du pays d’Aoste. » et le médecin retrouve la vertu des simples, les vieux secrets des femmes sages, des sourcières : la tisane des violettes contre les refroidissements, la graisse de marmotte fondue contre la pneumonie, la graisse de vipère pour faciliter la délivrance des femmes… Quant au paysan, il va s’agenouiller chaque soir sur ses terres ensemencées, aux approches du solstice d’hiver, et prie pour le retour de la la lumière.

Ainsi, fidèle à ses racines, la communauté montagnarde survit dans un isolement total, pendant plusieurs générations, en ne comptant que sur ses propres forces – et sur l’aide des anciens dieux. Jusqu’au jour où, César vaincu, la société marchande impose partout son « nouvel ordre mondial ». Et détruit, au nom de la morale et des Droits de l’homme, l’identité, maintenue jusqu’alors à grands périls, du Pays d’Aoste. Seul, un groupe de montagnards, fidèle à sa terre, choisit de gagner les hautes altitudes, pour retrouver le droit de vivre debout, dans un dépouillement spartiate, loin d’une « civilisation » frelatée qui pourrit tout ce qu’elle touche car y règne la loi du fric.

Avec La Peau de l’Aurochs, qui annonce son cycle romanesque des patries charnelles, Saint-Loup a fait œuvre de grand inspiré. Aux garçons et filles qui, fascinés par l’appel du paganisme, s’interrogent sur le meilleur guide pour découvrir l’éternelle âme païenne, il faut remettre comme un viatique, ce testament spirituel.

Aujourd’hui, Saint-Loup est parti vers le soleil.

Au revoir camarade. Du paradis des guerriers, où tu festoies aux côtés des porteurs d’épée de nos combats millénaires, adresse-nous, de tes bras dressés vers l’astre de vie, un fraternel salut. Nous en avons besoin pour continuer encore un peu la route. Avant de te rejoindre. Quand les dieux voudront.

 

Pierre Vial

L’Homme du Grand Midi, paru dans Rencontres avec Saint-Loup,

Un ouvrage publié par l’association des Amis de Saint-Loup.

 

( Source : Club Acacia ).