Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

23/06/2014

Slaviansk : ce qui se passe chez nous en ce moment...

Slaviansk :

« Ce qui se passe chez nous en ce moment, c’est un génocide »

 

Propos recueillis  pour Le Courrier de Russie,

et originellement publiés le vendredi 20 juin 2014.

 

Le Courrier de Russie a pu joindre par téléphone un habitant de Slaviansk – Andreï Khartchenko, un garagiste de 51 ans qui vit à Slaviansk depuis sa naissance et élève cinq enfants. Témoignage bouleversant depuis une ville assiégée par l’armée ukrainienne.

 

-----------------------------------------------------

 

Le Courrier de Russie : Quelle est la situation à Slaviansk en ce moment ?

Andreï Khartchenko : Dimanche dernier, nous avons encore été bombardés, 20 personnes ont péri. Hier, ils ont visé les hôpitaux. Il n’y a plus de cercueils dans la ville. La morgue ne fonctionne plus parce qu’il n’y a pas d’électricité. Nous enterrons les gens dans des fosses communes. Ce qui se passe chez nous en ce moment, c’est un génocide – je n’ai pas d’autres mots.

 

LCDR : Qui sont ces gens qui ont péri ?

A.K. : Ce sont tous des civils. Les insurgés meurent moins, ils peuvent toujours se réfugier dans les tranchées, mais les civils n’ont nulle part où se cacher. Ils ont déjà bombardé toutes nos usines, et maintenant ils tirent sur les stations-service et les supermarchés. Et même sur les hôpitaux ! On dirait qu’ils visent exprès les lieux peuplés, comme s’ils voulaient nous exterminer tous. Il y a quelques jours, les gens sont allés chercher de l’eau à un puits, une foule nombreuse s’est accumulée, mais la pompe s’est cassée, et les gens se sont dispersés. Eh bien, quelques minutes plus tard, une bombe a atterri précisément là-bas. Sans cette pompe cassée, ils auraient tous péri ! Récemment, encore, nous avons enterré une infirmière : elle a été tuée par un obus en rentrant chez elle. Un père a perdu sa petite fille lors d’un bombardement. Il y a une famille que je connais qui a une petite maison à proximité de Slaviansk, ils y sont allés et ils se sont retrouvés sous les bombes. Ils ont passé la nuit dans la cave et lorsqu’ils sont sortis le matin, il n’y avait plus rien autour. Leur maison a été entièrement détruite, il ne restait que des ruines.

 

LCDR : Qui sont les gens qui tirent sur Slaviansk ?

A.K. : C’est l’armée ukrainienne, notre ville est située dans une cuvette, ils nous pilonnent de long en large. Moi, je m’occupe de livrer l’aide humanitaire qui nous arrive de partout, je la livre aux insurgés qui stationnent aux abords de la ville, mais aussi aux soldats ukrainiens, je leur donne du saucisson car ils n’ont pas grand-chose à manger. J’ai un fils de leur âge, j’ai beaucoup de pitié pour eux, ce sont des conscrits, de jeunes gars qui viennent de toutes les régions d’Ukraine. Ils ne voulaient pas spécialement venir nous tuer, mais on les oblige à le faire, sinon, on leur tire dessus. On n’en parle pas à la télévision, mais eux aussi meurent en grand nombre – leurs chefs les laissent ici, parfois, ils ne sont même pas enterrés.

  

LCDR : Qui sont les insurgés ?

A.K. : Ce sont des gens d’ici. Tous les hommes de Slaviansk, sauf les plus jeunes qui ne s’intéressent qu’aux filles et à la bière, qui ne comprennent rien à la vie. J’ai discuté avec beaucoup d’insurgés, ils viennent principalement de notre région, de Gorlovka, de Makeevka, de Kramatorsk. Ils disent souvent : « Il faut que j’aille voir les miens », « J’ai ma femme et mes gosses qui sont restés dans tel ou tel endroit, il faut que je trouve le moyen de les faire partir ». Il y en a aussi qui viennent de Russie, mais souvent, ce sont en réalité des gens originaires de la région ou qui ont de la famille ici. En revanche, il n’y a pas de mercenaires parmi les insurgés : ce n’est pas vrai ce qu’on raconte. Moi, par exemple, je les aide, mais personne ne me paie. Et c’est pareil pour tous les gens que je connais. Ces hommes, ce n’est pas pour l’argent qu’ils se battent.

 

LCDR : Pourquoi alors ?

A.K. : Vous savez, si on m’avait dit un jour que ma ville allait se soulever comme ça, je n’y aurais jamais cru. Nous avons toujours été très passifs, je me souviens, une fois, nous avions eu un conflit avec le directeur d’un marché – seulement six personnes sont venues pour exiger sa démission. Mais là, tout le monde s’est levé, je n’en reviens pas moi même, je ne m’y attendais absolument pas. En fait, nous faisons la même chose que les gens sur la place Maïdan, nous luttons pour la même chose : nous sommes contre le vol, les oligarques, la corruption, nous voulons avoir de l’influence sur le pouvoir, nous voulons être entendus ! Mais les gens qui sont descendus sur Maïdan ont été dupés, ils ont protesté contre les oligarques, et maintenant, ce sont les oligarques qui règnent sur tout le monde. Certes, Ianoukovitch était un escroc, mais comparé à Porochenko, c’était un petit voleur. Oui, il pillait le pays – mais il ne l’a pas apporté sur un plateau aux Américains, comme est en train de le faire Porochenko.

 

LCDR : Que voulez-vous dire par là ?

A.K. : Il y a une compagnie américaine qui veut extraire du gaz de schiste dans la région, mais nous, nous sommes contre, nous ne voulons pas que nos terres soient abîmées, que nos eaux soient souillées, que les Américains nous prennent nos gisements. Nous ne voulons pas non plus que l’Ukraine signe un accord d’association avec l’Union européenne, nous ne voulons pas refaire tous nos chemins de fer selon leurs normes, fermer nos usines parce qu’elles ne seront pas conformes à leurs standards. S’ils signent, il n’y aura plus de travail en Ukraine, mais moi, je suis ukrainien, je veux que l’Ukraine soit florissante, qu’elle se développe, mais je veux vivre et travailler ici, sur cette terre, je ne veux pas partir travailler en Espagne, par exemple, comme le font beaucoup de mes compatriotes. Les Européens n’ont pas besoin de nous, c’est ridicule de croire le contraire. Je veux que l’Ukraine décide elle-même de son sort. Et nous, avec nos armes, nous sommes le dernier rempart, nous sommes comme un os dans la gorge de tous ces gens qui veulent que l’Ukraine cesse d’exister, qu’elle devienne une colonie américaine. Ils veulent nous anéantir pour, ensuite, faire ici tout ce qui leur chantera.

 

LCDR : Qui pourrait améliorer les choses en Ukraine, selon vous ?

A.K. : Avant l’élection, j’ai étudié les programmes de tous les candidats, et à mon avis, il n’y en a qu’un qui peut vraiment redresser le pays, c’est Olga Bogomolets. Elle était aussi sur la place Maïdan, elle est médecin, elle vient d’une famille de médecins très connue, c’est quelqu’un de profondément honnête, et je crois beaucoup en elle. Elle n’a recueilli que 5 % à la présidentielle, mais vu qu’elle ne croule pas sous le fric et qu’elle n’a pas pu se payer tous les espaces publicitaires, comme certains, c’est déjà un très bon résultat.

 

LCDR : On dit que Slaviansk est déserte en ce moment, que les gens partent en masse. Est-ce vrai ?

A.K. : Ils partent, mais pas vraiment en masse. J’ai discuté récemment avec le directeur de notre usine de pain, il m’a dit que ses ventes ont baissé de 20 % – on peut en conclure que 20 % des gens sont partis. Le problème, c’est que beaucoup n’ont nulle part où aller, ils n’ont pas de famille prête à les accueillir, pas d’argent pour louer un appartement dans une ville qui ne soit pas bombardée tous les jours comme la nôtre. Je connais une famille qui a loué un appartement à Sviatogorsk, ce n’est pas loin d’ici, mais leurs économies s’épuisent, et ils vont devoir revenir. Et là, un autre problème surgit : on peut encore quitter Slaviansk, mais c’est extrêmement difficile d’y revenir, les militaires ukrainiens ne laissent entrer personne.

  

LCDR : Que pense-t-on de la Russie, à Slaviansk ?

Les gens espèrent-ils une intervention ?

A.K. : La Russie n’interviendra pas, c’est certain. La vérité, c’est que personne ne veut de nous, pour que la Russie intervienne, il faudrait qu’ils nous exterminent tous ici, qu’ils laissent à la place de Slaviansk une terre brûlée, mais alors, l’intervention n’aura plus aucun sens. C’est surtout par les Ukrainiens que je voudrais que nous soyons entendus. Je sais que même à Poltava, une ville pourtant pas loin d’ici, les gens ne savent rien sur notre situation. À la télévision, ils racontent que nous sommes tous des terroristes : c’est-à-dire que les sept millions d’habitants de la région sont des terroristes ?! Nous avons des idées différentes sur l’Ukraine, sur son avenir, mais nous n’allons pas les imposer à l’Ouest du pays par les armes, que je sache. Alors pourquoi viennent-ils, eux ? Pourquoi est-ce qu’ils nous assassinent ? Parce que nous ne pensons pas comme eux ? Mais c’est quoi, ce gouvernement fasciste ?! J’appelle souvent mon fils qui vit à Poltava, je lui dis : « Alors qu’est-ce que tu crois ? Tu ne penses quand même pas que ton père est un terroriste, hein ? » Je veux que les gens de là-bas m’entendent, que les Ukrainiens de l’Ouest m’entendent ! Je suis né à Slaviansk, j’ai étudié à Kharkov, et dans mon groupe, tous les étudiants venaient d’Ukraine de l’Ouest justement – et je peux dire que ce sont des gens formidables ! Pourquoi nous fait-on nous entretuer ? Qui fait ça ? Mais c’est notre gouvernement qui fait ça !

 

LCDR : On raconte aussi que Moscou contrôle les insurgés. Qu’en dites-vous ?

A.K. : Je ne le pense pas. Nous n’avons pas de commandement unique, il y a des groupes dispersés, pas toujours très bien organisés, chacun agit selon sa propre initiative… Si les ordres venaient de Moscou, l’organisation serait meilleure, croyez-moi ! Les gens agiraient avec bien plus de coordination. Mais je vous le dis – nous en sommes loin.

 

LCDR : Comment la situation va évoluer, d’après vous ?

A.K. : Pour Kiev, nous sommes des condamnés. Quand nous nous adressons à Kiev, on nous répond clairement « Slaviansk, connais pas ». Nous n’existons pas pour eux. Ils ne nous laisseront pas en vie, ils vont tous nous exterminer, nous en sommes à peu près certains. Mais nous continuerons de nous battre. Pourquoi devrais-je quitter ma terre, cette terre où je suis né ? Nous nous battrons comme à Stalingrad, pour chaque rue et pour chaque maison. Dans tous les cas, nous n’avons plus rien à perdre. Ils disent qu’ils épargneront peut-être ceux qui n’ont pas pris les armes, mais chez nous, ici, tous les hommes ont pris les armes, alors…
 
Inna DOULKINA
 
Slaviansk.jpg
Deux femmes pleurent dans leur maison détruite par un bombardement...
Slaviansk, le 20 mai dernier. / Crédits: Mikhaïl Potchouev, ITAR-TASS
 

17/06/2014

La France, cet intrus dans un conflit made in USA...

Un article de Françoise Compoint pour : La Voix de la Russie.

L’Ukraine est coincée.

Plus que d’avoir été trompée de l’extérieur (intégration économique à l’UE), elle s’est piégée elle-même, de un, en défiant au-delà du raisonnable la Russie, de deux, en massacrant les civils des Républiques autoproclamées du sud-est.

La première erreur – et je dis erreur dans un sens essentiellement cynique – lui a valu les foudres bien méritées de Gazprom qui, désespérant d’être dédommagé de ses quatre milliards de dollars, est passé, lundi 16 juin, au système de prépaiement. La deuxième erreur – toujours au sens hyper-cynique du terme – a permis à l’ensemble de la presse indépendante dont l’auditoire ne cesse de croître de mettre un trait d’union définitif et tragique entre le bandérisme et le gouvernement actuel de Kiev. Il s’agit en l’occurrence d’une bombe à retardement, Pétain et Laval à leurs heures de gloire ne pouvant imaginer le dénouement piteux qui les attendait.

L’Ukraine de Porochenko, peut-elle arrêter le processus suicidaire lancé au moment où les manifs du Maïdan ont dégénéré ? Il semble que non l’Histoire ayant pris un tournant irréversible. Le Donbass ne se réconciliera jamais avec Kiev, or il s’agit du centre névralgique de l’industrie ukrainienne. La stabilité d’Odessa, ville portuaire de première importance stratégique, ne tient plus qu’à la politique de terreur et de désinformation déployée suite aux événements du 2 mai. La Crimée, Côte d’Azur ukrainienne offrant une ouverture privilégiée au réseau d’oléo-gazoducs reliant la Russie et l’Asie centrale à l’Europe ainsi qu’une ouverture aux mers chaudes, est retournée là où a commencé son destin historique. Il est ridicule de croire qu’elle redeviendrait ukrainienne, à moins que les illusions de M. Loukachenko ne soient contagieuses. Un grand nombre de villes et de villages dont Slaviansk, Kramatorsk, Semionovka, Sherepovka et j’en passe ont été marquées à tout jamais des crimes de guerre de l’armée ukrainienne, de la garde nationale et des mercenaires embauchés aux frais du FMI. Les jours, les mois, les années passeront et il faudra bien répondre de l’usage criminel qui a été fait des bombes à sous-munitions et du phosphore blanc contre une population le plus souvent désarmée, il faudra bien répondre des exécutions sommaires des civils de sexe masculin et des agressions perpétrées contre les bus transportant des réfugiés, pour la plupart d’entre-eux des femmes et des enfants. C’est à ce moment-là qu’il faudra payer son dû et la note risquerait d’être terriblement salée.

D’ailleurs, Kiev a déjà commencé à payer. L’UE ne veut pas de lui. Des soulèvements, certes assez modestes à l’heure qu’il est, commencent à secouer la capitale. Faute de pouvoir rembourser Moscou, Kiev ira peut-être chercher son gaz en Allemagne. Or, le malheur veut que le gaz allemand vienne lui aussi de Russie mais à un prix qui correspond au prix de marché. Entre temps, le niveau de vie des Ukrainiens chute à une vitesse vertigineuse si bien que les ouvriers polonais pourraient s’attendre à un licenciement en masse en vue du prochain débarquement d’une main d’œuvre très bon marché.

Ce tableau très noir brossé, il faut bien préciser qu’il n’a d’autre valeur que contextuelle. Des jeux d’influence de différents niveaux ont en grande partie provoqué et entretiennent sans lâcher prise le brasier en question. Un brasier aux portes de l’UE, ce qui est doublement symptomatique et ce que les dirigeants français semblent vouloir oublier au nom d’une cause qu’ils n’ont fait que s’imaginer car elle n’est en rien la leur. Ainsi, que voyons-nous ?

Primo, le plan étasunien qui est le plus gros plan de toute cette affaire ukrainienne. Les buts poursuivis par Washington sont limpides :

- Détourner l’UE de la Russie en prévenant l’axe qui aurait pu, cohérent comme il l’est sur un plan géopolitique et civilisationnel, se tracer entre une Europe revendiquant de plus en plus son passé d’Etats-nations et la Russie dont l’attractivité n’est plus à démontrer. Résultat : les dirigeants européens reprochent à la Russie d’avoir déstabilisé l’Ukraine à ses fins en allant même jusqu’à lui attribuer le massacre des civiles de Slaviansk.

- Faire avancer l’OTAN jusqu'aux frontières russes. Mais pourquoi Donetsk et Lougansk ? Valentin Vasilescu, expert militaire, éclaire bien nos lanternes là-dessus : il s’agit pour les USA de contrer la puissance nucléaire russe. Pour ce faire, ils doivent « placer leurs propres batteries antibalistiques le plus près possible des frontières russes dans un emplacement optimal situé à Lougansk (…). C’est seulement à partir de là que les silos des missiles intercontinentaux russes disposés au sud-est de Moscou entrent dans leur rayon d’action.

- Reste le facteur gazier. Il y a en effet d’importants gisements de gaz de schiste dans les Carpates, les bassins d’Azov-Kouban et ceux de Dniepr-Donetsk. S’il faut une preuve, en voici une, a contrario : les opérations dites « anti-terroristes » lancées contre le Donbass coïncident curieusement avec la visite d’Hunter Biden nommé membre du Conseil d’administration de la compagnie gazière ukrainienne Burisma Holdings, à Kiev. Ce dernier facteur pourrait à première vue expliquer l’enthousiasme d’une certaine partie de l’élite politique française. C’est un faux calcul. Croirait-elle sérieusement que les USA, soucieux de renforcer la dépendance énergétique de l’UE de leur schiste à eux, déficitaire et coûteux, laisserait l’Europe profiter à sa guise du gaz ukrainien ? On peut toujours rêver.

Les intérêts américains énumérés, un deuxième plan, bien moins évident, est à relever. Celui de la Pologne dont l’implication très active dans le dossier ukrainien n’est plus un secret pour personne. Le Réseau Voltaire nous apprend entre autres que Jerzy Dziewulski, le conseiller-sécurité de l’ancien président polonais Aleksander Kwasniewski, a récemment fait son apparition en compagnie de Tourtchinov, l’ancien président intérimaire ukrainien. M. Dziewulski est expert de la lutte anti-terroriste et entretient des liens privilégiés avec M. Sikorski, le ministre des Affaires étrangères polonais. Ce dernier a plus d’une fois démenti la présence de mercenaires polonais dans les régions de Donetsk et de Lougansk. La pratique a démontré le contraire lorsque des cadavres de mercenaires polonais ont été retrouvés dans la région de Donetsk.

Mais pourquoi la Pologne, se demande-t-on ? Il ne faut bien se dire que les vieilles rancunes et les vieux complexes ressurgissent toujours aux heures d’instabilité ambiante. C’est bien le cas du vieux complexe impérial d’une Pologne nostalgique de la République des Deux Nations aussi connue sous le nom représentatif de Pologne-Lituanie. Ayant existé un peu plus de deux siècles (1569-1795), celle-ci englobait une très grande partie de l’Ukraine.

Ainsi, si les motivations expansionnistes et néocoloniales des USA sont aisément captables, de même que le sont les ambitions polonaises, si profondément irrationnelles soient-elles, l’arrière-plan du soutien français reste indéchiffrable. Que vient donc faire la France dans ce conflit d’intérêt particulièrement sordide sur le plan des méthodes employées ? La France qui a toujours pesé dans l’Histoire, serait-elle désormais le laquais de ceux qui la font ? En son temps, le général de Gaulle avait refusé de commémorer le débarquement du 6 juin arguant que la France avait été « traitée comme un paillasson » le débarquement ayant été annoncé « sans qu’aucune unité française n’ait été prévue pour y participer ». 70 ans plus tard, notre diplomatie suit les directives de ceux qui il y a à peine quelques mois ont dit : « Fuck the UE ». Aucune excuse ne s’est fait entendre par la suite. A quoi bon, si personne ne s’est senti humilié ?  

Françoise Compoint pour : La Voix de la Russie.

Source > http://french.ruvr.ru/radio_broadcast/217362642/273605241/

La France, cet intrus bouleversant dans un conflit made in USA

© Photo: RIA Novosti/Andrey Stenin

28/05/2014

Alliance sino-russe

Alliance sino-russe :

Vers l’émergence d’un nouveau monde.

C’est fait, Gazprom s’est mis d’accord la veille avec Pékin en trouvant un consensus dont le prix final annoncé, 400 milliards de dollars, a en fait bouclé, en l’espace de seulement quelques jours, tout un cycle de négociations étalé sur dix ans.

Il faut remercier Washington et Bruxelles dont les sanctions ont eu un effet quelque peu faustien : « Je suis une partie de cette force qui, éternellement, veut le mal, et qui, éternellement, accomplit le bien ». Sauf que cette fois, il s’agit d’un accomplissement accidentel puisque la Russie a su déjouer les pièges qui lui avaient été tendus en s’évertuant à en tirer profit. Un tournant sans précédent.

La problématique gazière efficacement résolue, il ne faut pas oublier que Moscou a aussi beaucoup gagné sur le plan géopolitique puisque, primo, l’UE et ipso facto les USA perdent un levier de pression crucial sur une Russie qui même partiellement coupée de ses anciens partenaires européens en a trouvé d’autres sur le continent asiatique, secundo, comme il s’agit d’un contrat devant prendre effet en 2018 pour 30 ans, il est clair qu’il ouvre la voie à une coopération bien plus large et notamment assez serrée sur le plan militaire.

Pour y voir plus clair, il convient de replacer dans un contexte plus conceptuel la signature du contrat Miller/Jiping.

Le monde serait en passe de se multipolariser via la diversification de ses alliances économiques. Dans le cas de l’alliance sino-russe, plusieurs projets prometteurs et initiatives de taille sont à relever :

- Moscou et Pékin projettent l’abandon du dollar comme monnaie d’échanges dans la région asiatique (cf. « Contre-offensive russe sur le front oriental, article de Manlio Dinucci publié sur le Réseau Voltaire). Cette décision fera considérablement remonter le yuan dont la Chine compte faire dans quelques années une monnaie de réserve mondiale. Si on suppose que le FMI ne voudra pas subir de réformes conformes à la réalisation de ce projet – et il est clair qu’il ne le voudra pas – il y aura toujours pour alternative la Banque de développement des BRICS dont le rôle sera automatiquement renforcé.

- La Russie va à son tour s’inspirer de « Union Pay », système de paiement chinois qui n’est devancé que par les cartes de crédit Visa. Rappelons que suite aux sanctions US, Visa et Mastercard avaient coupé leurs services aux clients de la banque Rossia.

- Suite aux manœuvres aéronavales otaniennes effectuées aux Philippines, la Chine et la Russie prévoient des exercices conjoints en mer de Chine méridionale. Il s’agit bien entendu d’un début de coopération militaire accentuant davantage encore les limites de l’OTAN. A noter que la Chine profitera bientôt des chasseurs Su-35, des sous-marins de type Lada et des systèmes de défense antiaérienne russes.

- La CICA (Conférence sur les mesures d’interaction et de renforcement de la confiance en Asie), fondée à l’initiative du Kazakhstan en 2006, tend à étendre sa part d’influence jusqu’à muer, le moment propice, en une organisation internationale coopérative. Telle est en tout cas l’intention exprimée par le Vice-ministre des Affaires étrangères chinois qui inclut tacitement les BRICS dans l’élaboration de son programme de sécurité.

Cette mise au point effectuée, je donne la parole à M. Bruno Drweski, géopolitologue, directeur de publication de la revue « La Pensée Libre ».

La Voix de la Russie. « Pensez-vous que l’on assiste, suite à la signature du traité entre Gazprom et Pékin, à la création d’un bloc est-européen-asiatique ?

Bruno Drweski. L’idée de voir dans cette alliance un « bloc » est probablement erronée dans la mesure où la notion de « bloc » a des origines occidentales, étasuniennes plus concrètement. Je pense donc que le rapprochement russo-chinois a pour objectif de s’extraire de cette logique rigide en essayant d’établir des liens de coopération ou même des accords d’alliance stratégique entre différents pays refusant cette logique de bloc.

La VdlR. Parlant de coopération, que pensez-vous des manœuvres sino-russes qui devraient se tenir dans la mer de Chine méridionale ? Suffiront-elles à casser l’unipolarisme américain ?

Bruno Drweski. J’estime que ces manœuvres sont très importantes. C’est un signal adressé avant tout aux USA mais qui vise aussi à ce que les pays d’Asie, en particulier le Japon et le Vietnam, comprennent que les USA préfèrent garder leurs distances et que par conséquent une coopération entre voisins serait bien plus judicieuse. Ce signal devrait aller au-delà du monde oriental en s’adressant à des pays comme l’Inde éventuellement tentés de se rapprocher des USA. Ces facteurs démontrent bien que c’est un monde de plus en plus multipolaire qui se met en place et que les puissances en question ont bien compris qu’elles devraient désormais renforcer leur coopération militaire vu que la majeure partie des guerres entamées durant ces vingt dernières années venaient de l’OTAN.

La VdlR. Concernant la Route de la Soie. Comment est-ce que la Russie pourra techniquement aider la Chine à rétablir cette « Route » ?

Bruno Drweski. La Russie a évidemment une grosse part d’influence sur l’Eurasie. Je pense que nous assistons progressivement à une reconstruction des axes de coopération dans tout l’ensemble eurasiatique au sens large du terme. Cette idée de « Route de la Soie » qui tient à une appellation symbolique a pour objectif de consolider lesdites coopérations. On sait qu’elle aboutit sur la Méditerranée du côté de la Syrie et là encore on relève une situation de tension d’envergure internationale qui fait que les visées militaire, géopolitique et économique s’y recoupent. Finalement, ce qui est important dans le rapprochement entre la Russie et la Chine, c’est sans doute le fait que nous ayons des réseaux de coopération économique qui échappent à la dictature du dollar et d’une économie à bout de souffle. Je pense à ce que le Président Poutine avait proposé aux pays européens en parlant de coopération de Lisbonne à Vancouver. C’est là qu’il a des perspectives, la Route de Soie allant bien plus loin que le Moyen-Orient, la Chine et la Russie. Je pense que c’est l’ensemble des pays de l’Eurasie et de la Méditerranée qui seront amenés à coopérer … en tout cas, c’est un signe qu’on leur envoie ».

Françoise Compoint pour La Voix de la Russie.

http://french.ruvr.ru/radio_broadcast/217362642/272684264/So

alliance sino-russe,eurasie,nouveau monde,chine,russie,gazprom,union pay,bruno drweski,géopolitique

03/05/2014

Ukraine / Des vérités qui peuvent déranger...

LE POINT SUR L’UKRAINE

Des vérités qui peuvent déranger

Cet article vient en prolongement du dossier « Pourquoi l’Eurasie » du n° 59 de Terre et Peuple Magazine, en raison de l’évolution de l’actualité de ce pays. On s’y référera pour connaître tous les tenants et les aboutissants de la crise ukrainienne. En bref, l’Ukraine constitue un enjeu géopolitique primordial dans la guerre politico-économique sans merci que livre l’Occident américanisé et mondialisé à la Russie identitaire de Poutine. On connaît bien les preuves de ce containment : adhésion des pays d’Europe de l’Est à l’OTAN, installation d’un bouclier antimissile aux portes de la Russie (Pologne, Roumanie, Turquie), soutien aux révolutions de couleur de toutes sortes (Serbie, Ukraine, Géorgie…) destinées à affaiblir la Russie dans son environnement direct.

Mais les Occidentaux sont allés trop loin et ont offert à Poutine l’occasion de laver l’humiliation vécue avec le bombardement des villes serbes et l’expulsion des Serbes du Kosovo en 1999. Poutine est un grand joueur d’échecs et un champion de judo, la première qualité lui donne l’avantage d’agir avec deux coups d’avance, la seconde lui permet d’esquiver les coups et d’utiliser la force de l’adversaire pour la retourner contre lui. La fessée infligée, en 2008, à la petite Géorgie trop amoureuse de l’oncle Sam, qui a permis de russifier les deux provinces séparatistes d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie, aurait dû servir de leçon aux Occidentaux. Que nenni ! Ils ont cru pouvoir arracher l’Ukraine à l’influence du Kremlin.

La première tentative de 2004, dite « révolution orange » permet de mettre au pouvoir des pantins pro-occidentaux, Viktor Iouchtchenko et Ioulia Timochenko. L’incurie et la corruption de leur gouvernement poussent le premier à l’exil et la seconde à la prison. En 2009, par effet de balancier, le prorusse Viktor Ianoukovitch (tout aussi corrompu) revient au pouvoir à l’issue d’élections irréprochables.

Le 21 novembre 2013, Ianoukovitch refuse de signer l’accord d’association avec l’Union européenne. En fait, il n’a pas le choix : cet accord impose à l’Ukraine de pousser progressivement les forces russes hors de Crimée (où, évidemment, l’OTAN ne tarderait pas à s’installer). Dès le lendemain, comme par hasard, la place Maïdan est occupée par des manifestants pro-occidentaux, très bien encadrés. Car, il est vrai que, depuis vingt ans, nombre d’ONG américaines sont à la manœuvre. C’est Victoria Nuland, l’envoyée spéciale judéo-américaine elle-même, qui a déclaré que les Etats-Unis avaient investi plus de 5 milliards de $ dans la révolution ukrainienne et qu’il était temps d’en retirer les fruits (propos auquel elle ajouta la délicieuse phrase : « I fuck European Union » !).

Le 21 février, Ianoukovitch signe un accord avec trois plénipotentiaires de l’Union européenne, le Polonais Sikorski, l’Allemand Steinmeier et le Français Fabius. Cet accord, destiné à ramener la paix civile, met en péril le plan judéo-américain qui exige l’éviction de Ianoukovitch et son remplacement par un gouvernement fantoche. Le lendemain, la place Maïdan s’enflamme, les bâtiments officiels sont attaqués et Ianoukovitch s’enfuit. Des observateurs neutres (il ne s’agit pas des médias français…) remarquent des tireurs sur les toits qui visent systématiquement les policiers ; certaines sources dénoncent la présence d’anciens agents du Mossad pour encadrer les émeutiers (une vieille tradition israélo-étatsunienne). Les forces de l’ordre paient un prix élevé : 17 morts et près de 500 blessés. Mais la démocratie et la liberté sont passées (sic). Tous les pays de l’UE, y compris ceux qui ont signé l’accord de la veille, s’empressent de reconnaître le gouvernement provisoire, au mépris des lois internationales, car il ne s’est agi que d’un coup d’Etat qui a chassé illégalement un président légitimement élu. Qu’à cela ne tienne !

Mais le scénario occidental, si huilé est-il, n’a pas envisagé l’inenvisageable. Comme le renard de la fable « Le corbeau et le renard », Poutine annexe, sans coup férir, la Crimée, acte irréversible s’il en est. Cela lui permet de ramener à la mère-patrie la population russe de la presqu’île, mais surtout de sécuriser la base de Sébastopol et ses annexes. L’ours russe reprend donc le contrôle de la mer Noire et s’ouvre en grand la porte vers la Méditerranée (et la base syrienne de Tartous).

Pour les Ukrainiens, le bonheur promis par l’Union européenne n’est pas pour demain. Comme prévu, Gazprom augmente le prix du gaz russe de plus d’un tiers. Mais les « amis » du peuple ukrainien ne se montrent guère plus généreux : le FMI impose à l’Ukraine un régime drastique avant de verser le premier dollar. Les Ukrainiens auraient dû écouter les Grecs, les Chypriotes et les Espagnols avant de se jeter dans les bras de l’UE. L’avenir de l’Ukraine est d’être un pont entre l’Europe et la Russie, pas d’être la dernière roue de la charrette bruxelloise ou un porte-avions américain au cœur de l’Eurasie.

Voici pour l’état des lieux, en évolution permanente. Mais il faut aussi s’attarder sur quelques zones d’ombre. Les nationalistes ukrainiens sont-ils sincères et manipulés, ou bien sont-ils complices des menées occidentales ? Certains d’entre nous sont fascinés par les mouvements Svoboda ou Praviy Sektor. Les voici déchirés entre leur poutinophilie et une certaine nostalgie. Je vais donc leur permettre de régler ce dilemme. Il ne suffit pas de se promener avec des tatouages et des colifichets pour avoir une conscience politique. La question est plutôt : « dis-moi qui tu hantes et je te dirai qui tu es ».

Le 7 février, soit deux semaines avant le coup d’Etat, Oleh Tyahnibok, leader de Svoboda, parade aux côtés de Victoria Nuland, d’Arseni Iatseniouk, son poulain (futur Premier ministre du gouvernement provisoire) et accessoirement membre de la Trilatérale, et enfin de Viktor Klitschko, le boxeur président du parti UDAR, qui est soutenu par l’International Republican Institute et le National Democratic Institute, tous deux bien connus pour être des courroies de transmission du Département d’Etat américain. On ajoutera que les trois interlocuteurs de Tyahnibok sont juifs, ce qui explique sans doute le soutien indéfectible que leur prodiguent nos produits maison, Fabius et Lévy. De quoi faire se retourner dans sa tombe Stefan Bandera, fondateur de Svoboda, qui ne passait pas pour être philosémite.

Ce n’est pas la première fois que des mouvements qualifiés de populistes, et même de fascistes et de néonazis, se commettent avec les sionistes. Je rappellerai l’étrange voyage en Israël, en 2011, de 35 leaders européens des dits partis : Geert Wilders pour le PW hollandais, Filip Dewinter pour le Vlaams Belang flamand ou Heinz Christian Strache pour le FPÖ autrichien, parmi d’autres (Suédois, Allemands…). J’y ajouterai le pèlerinage de Louis Aliot, vice-président du FN, à Yad Vashem, la même année.

Quant à Praviy Sektor, son cas est encore plus intéressant. Né « spontanément » à l’automne 2013 de l’union de quelques groupuscules qui jugeaient Svoboda trop mou, il est subventionné par la diaspora ukrainienne des Etats-Unis (sic). Bizarrement, en mars 2014, Praviy Sektor fonde une nouvelle structure, Russian Legion, formée de Russes et destinée à lutter contre Poutine, y compris par des actes terroristes en Russie, notamment la destruction de pipelines. Pire encore, Dmitry Yarosh, le chef de Praviy Sektor, a fait alliance avec l’islamiste tchétchène Dokou Oumarov dans le but de « créer un front antirusse de l’Ukraine au Caucase ». Pour finir, j’ajouterai que Yarosh et des leaders du mouvement ont été reçus par l’ambassadeur d’Israël à Kiev, Reuven Din El, et se sont engagés à « lutter contre le racisme et l’antisémitisme ». Ce qui fait tache pour de soi-disant néonazis !

Quant à nous, notre positionnement est clair : les amis de nos ennemis (et les ennemis de nos amis) ne sont pas nos amis. Entre l’Occident (Etats-Unis, UE, Israël et quelques autres) qui veut imposer aux peuples une société mondialisée, déculturée et métissée, et un Poutine qui prône une révolution conservatrice et défend l’identité européenne et blanche, en rejetant l’immigration allogène et en réduisant l’islam conquérant, notre choix est fait.

Il y a vingt ans, j’avais tenté de convaincre mes amis croates et serbes de ne pas se tromper d’ennemis, à savoir les Bosniaques musulmans soutenus par « l’Occident ». Cela n’empêcha pas les néo-oustachis et les néo-tchetniks, les uns partisans de la Grande Croatie et les autres de la Grande Serbie, de s’entre-tuer au nom de toutes les haines accumulées. Il n’y eut que des vaincus : les Croates ne purent annexer la province d’Herceg Bosna et furent contraints de cohabiter avec les musulmans (qu’ils haïssent), et les Serbes durent abandonner la Krajina et la Slavonie, avant de perdre le Kosovo. Que ceci serve de leçon à tous les nationalistes dont le regard se limite aux rancœurs du passé, particulièrement à l’est de l’Europe !

Il serait ainsi dommage que les nationalistes ukrainiens soient aveuglés par leur russophobie, même si celle-ci est justifiée par le traitement infâme que leur ont infligé les Soviétiques pendant plus de 70 ans. Car l’Ukraine a le malheur de se situer au mauvais endroit tout en étant le « grenier à blé » de l’Europe de l’Est et un réservoir énorme de ressources naturelles. L’Ukraine a tout pour attiser les convoitises. Mais elle est aussi extrêmement fragile, car fracturée entre deux peuples inassimilables : l’Ouest catholique, dont l’histoire et la culture regardent vers la Pologne, la Lituanie et l’Autriche, et l’Est orthodoxe, qui n’a d’yeux que pour Moscou. Ce qui est donc en jeu, c’est un risque immense de guerre civile. Et pire encore. Qu’on se souvienne de ces mots de Jacques Benoist-Méchin, dans L’Ukraine, fantôme de l’Europe : « Et dans ce décor d’enfer, qui défie toute description, cinq armées différentes, venues de tous les coins de l’horizon, vont passer et repasser « comme une râpe » sur le corps sanglant de l’Ukraine : armée polonaise de Pilsudski, armée ukrainienne de Petlioura, armée blanche de Denikine et de Wrangel, armée noire des paysans anarchistes de Makhno, et enfin armées rouges de Staline et de Budienny ».

L’Histoire n’est qu’un éternel recommencement.

AC

-------------------

Article paru sur le site Terre & Peuple

http://www.terreetpeuple.com/

tumblr_n00wmvSe1k1s6xxumo6_1280.jpg

 ------------------------------------

Pire encore, Dmitry Yarosh, le chef de Praviy Sektor, a fait alliance avec l’islamiste tchétchène Dokou Oumarov dans le but de « créer un front antirusse de l’Ukraine au Caucase »...

dokou-oumarov.jpg

Dokou Oumarov

29/03/2014

Alain de Benoist / L’affaire ukrainienne...

L’affaire ukrainienne est une affaire complexe et aussi une affaire grave (à une autre époque et en d’autres circonstances, elle aurait très bien pu donner lieu à une guerre régionale, voire mondiale). Sa complexité résulte du fait que les données dont on dispose peuvent amener à porter sur elle des jugements contradictoires. En pareille circonstance, il faut donc déterminer ce qui est essentiel et ce qui est secondaire. Ce qui est essentiel pour moi est le rapport de forces existant à l’échelle mondiale entre les partisans d’un monde multipolaire, dont je fais partie, et ceux qui souhaitent ou acceptent un monde unipolaire soumis à l’idéologie dominante que représente le capitalisme libéral. Dans une telle perspective, tout ce qui contribue à diminuer l’emprise américano-occidentale sur le monde est une bonne chose, tout ce qui tend à l’augmenter en est une mauvaise.

L’Europe ayant aujourd’hui abandonné toute volonté de puissance et d’indépendance, c’est de toute évidence la Russie qui constitue désormais la principale puissance alternative à l’hégémonisme américain, sinon à l’idéologie dominante dont l’Occident libéral est le principal vecteur. L’« ennemi principal » est donc à l’Ouest.

Je n’éprouve pour autant aucune sympathie pour le président ukrainien déchu. Yanoukovitch était de toute évidence un personnage détestable, en même temps qu’un autocrate profondément corrompu. Poutine lui-même a fini par s’en rendre compte – un peu tard, il est vrai. Je ne suis pas non plus un inconditionnel de Vladimir Poutine, qui est de toute évidence un grand homme d’Etat, très supérieur à ses homologues européens et américains, et aussi un praticien averti des arts martiaux acquis aux principes du réalisme politique, mais qui est aussi beaucoup plus un pragmatique qu’un « idéologue ». Cela ne change rien au fait que, pour autant qu’on puisse en juger aujourd’hui, la « révolution de Kiev » a servi avant tout les intérêts américains.

J’ignore si les Américains ont inspiré, voire financé cette « révolution » comme ils avaient déjà inspiré et financé les précédentes « révolutions colorées » (Ukraine, Géorgie, Kirghizistan, etc.), en cherchant à canaliser des mécontentements populaires souvent justifiés pour intégrer les peuples dans l’orbite économique et militaire occidentale. Le fait est, en tout cas, qu’ils l’ont soutenue dès le départ sans aucune ambiguïté. Le nouveau Premier ministre ukrainien, l’économiste et avocat milliardaire Arseni Yatseniouk, qui n’avait obtenu que 6,9 % des voix à l’élection présidentielle de 2010, s’est d’ailleurs tout de suite précipité à Washington où Barack Obama l’a reçu dans le Bureau Ovale, honneur généralement réservé aux chefs d’Etat. Sauf retournement imprévisible, les événements qui ont abouti à l’éviction brutale du chef de l’Etat ukrainien à la suite des manifestations de la place Maïdan, ne peuvent donc pas être considérés comme une bonne chose par tous ceux qui luttent contre l’hégémonie mondiale des Etats-Unis.

On parle partout d’un « retour à la guerre froide ». Il faudrait plutôt se demander si elle a jamais pris fin. A l’époque de l’Union soviétique, les Américains développaient déjà une politique qui, sous couvert d’anticommunisme, était fondamentalement antirusse. La fin du système soviétique n’a rien changé aux données fondamentales de la géopolitique. Elles les a au contraire rendu plus évidentes. Depuis 1945, les Etats-Unis ont toujours cherché à empêcher l’émergence d’une puissance concurrente dans le monde. L’Union européenne étant réduite à l’impuissance et à la paralysie, ils n’ont jamais cessé de voir dans la Russie une menace potentielle pour leurs intérêts. Au moment de la réunification allemande, ils s’étaient solennellement engagés à ne pas chercher à étendre l’OTAN dans les pays de l’Est. Ils mentaient. L’OTAN, qui aurait dû disparaître en même temps que le Pacte du Varsovie, a non seulement été maintenu, mais il s’est étendu à la Pologne, à la Slovaquie, à la Hongrie, à la Roumanie, à la Bulgarie, à la Lituanie, à la Lettonie et à l’Estonie, c’est-à-dire jusqu’aux frontières de la Russie. L’objectif est toujours le même : affaiblir et encercler la Russie en déstabilisant ou en prenant le contrôle de ses voisins.

Toute l’action des Etats-Unis vise ainsi à empêcher la formation d’un grand « bloc continental » en persuadant les Européens que leurs intérêts sont contraires à ceux de la Russie, alors qu’ils sont en réalité parfaitement complémentaires. Telle est la raison pour laquelle l’« intégrité territoriale » de l’Ukraine leur importe plus que l’intégrité historique de la Russie. « Revenir à la guerre froide », pour les Américains, c’est revenir aux conditions les plus propices à la mise en sujétion de l’Europe par Washington. Le projet de « grand marché transatlantique » actuellement en cours de négociation entre l’Union européenne et les Etats-Unis va également dans ce sens.

La complication vient du caractère hétérogène de l’opposition à Yanoukovitch. La presse occidentale a généralement présenté cette opposition comme « pro-européenne », ce qui est un mensonge évident. Parmi les opposants à l’ancien président ukrainien, on trouve en réalité deux tendances totalement opposées : d’un côté ceux qui veulent effectivement se lier étroitement à l’Occident et rêvent d’intégrer l’OTAN sous parapluie américain, de l’autre ceux qui aspirent à une « Ukraine ukrainienne » indépendante de Moscou comme de Washington ou de Bruxelles. Le seul point commun de ces deux tendances est leur allergie totale à la Russie. Les manifestations de la place Maïdan ont donc d’abord été des manifestations antirusses, et c’est en tant que « président pro-russe » que Yanoukovitch a été destitué.

Les nationalistes ukrainiens, regroupés dans des mouvements comme « Svoboda » ou « Secteur droite » (Pravy Sektory), sont régulièrement présentés dans la presse comme des extrémistes et des nostalgiques du nazisme. Comme je ne les connais pas, j’ignore si c’est vrai. Certains d’entre eux semblent bien être les tenants d’un ultra-nationalisme convulsif et haineux que j’exècre. Mais il n’est pas évident que tous les Ukrainiens désireux d’indépendance vis-à-vis de la Russie comme des Etats-Unis partagent les mêmes sentiments. Beaucoup d’entre eux ont lutté sur la place Maïdan, sans avoir le sentiment d’être manipulés,  avec un courage qui mérite le respect. Toute la question est de savoir s’ils ne seront pas dépossédés de leur victoire par une « révolution » dont l’effet principal aura été de remplacer le « grand frère russe » par le Big Brother américain.

( N. de K. : En ce qui me concerne, il n'y a ni "question" ni même "victoire", ils ont été des "idiots utiles", manipulés de A jusqu'à Z, et ne tarderont pas à comprendre leur(s) erreur(s), lorsque leur pays sombrera - une fois de plus - dans un inévitable et total chaos ! Les leçons de 1917 ne seront jamais retenues ! )   

En ce qui concerne la Crimée, les choses sont à la fois plus claires et plus simples. Depuis au moins quatre siècles, la Crimée est un territoire russe peuplé essentiellement de populations russes. Elle abrite aussi la flotte russe, Sébastopol constituant le point d’accès de la Russie aux « mers chaudes ». S’imaginer que Poutine pourrait tolérer que l’OTAN prenne le contrôle de cette région est évidemment impensable. Mais il n’a pas eu besoin d’agir en ce sens, puisque lors du référendum du 16 mars, près des 97 % des habitants de la Crimée ont exprimé sans équivoque leur désir d’être rattachés à la Russie, ou plus exactement d’y revenir, puisqu’ils en avaient été coupés arbitrairement en 1954 par une décision de l’Ukrainien Nikita Khrouchtchev. Cette décision d’attribuer administrativement la Crimée à l’Ukraine s’était faite à l’époque dans le cadre de l’Union soviétique – elle était donc sans grandes conséquences – et sans aucune consultation de la population concernée. L’ampleur du vote du 16 mars, doublée d’un taux de participation de 80 %, ne laisse aucun doute sur la volonté du peuple de Crimée.

Parler dans ces conditions d’un « Anschluss » de la Crimée, faire la comparaison avec les interventions de l’URSS en Hongrie (1956) ou en Tchécoslovaquie (1968), est donc tout simplement ridicule. Dénoncer ce référendum comme « illégal » l’est plus encore. La « révolution » du 21 février a en effet mis un terme à l’ordre constitutionnel ukrainien, puisqu’elle a substitué un pouvoir de fait à un président régulièrement élu, ce qui a entraîné la dissolution de la Cour constitutionnelle ukrainienne. C’est d’ailleurs pour cette raison que les dirigeants de la Crimée, estimant que les droits de cette région autonome n’étaient plus garantis, ont décidé d’organiser un référendum sur son avenir. On ne peut à la fois reconnaître un pouvoir né d’une rupture de l’ordre constitutionnel, qui libère tous les acteurs de la société de leurs contraintes constitutionnelles, et en même temps se référer à ce même ordre constitutionnel pour déclarer « illégal » le référendum en question. Vieil adage latin : Nemo auditur propriam turpitudinem allegans (« Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude »).

En apportant dès le 21 février dernier leur appui à un nouveau gouvernement ukrainien directement issu d’un coup d’Etat, les Américains ont par ailleurs démontré que leur souci de « légalité » est tout relatif. En agressant la Serbie, en bombardant Belgrade, en soutenant en 2008 la sécession et l’indépendance du Kosovo, en déclarant la guerre à l’Irak, à l’Afghanistan ou à la Libye, ils ont aussi montré le peu de cas qu’ils font du droit international, comme d’un principe d’« intangibilité des frontières » qu’ils n’invoquent que lorsque cela les arrange. Au demeurant, les Etats-Unis semblent avoir oublié que leur propre pays est né d’une sécession vis-à-vis de l’Angleterre… et que le rattachement de Hawaï aux Etats-Unis, en 1959, ne fut autorisé par aucun traité.

Les dirigeants européens et américains, qui s’arrogent la qualité de seuls représentants de la « communauté internationale », n’ont pas contesté le référendum qui, voici quelques années, a séparé l’île de Mayotte des Comores pour la rattacher à la France. Ils admettent qu’en septembre prochain les Ecossais pourront se prononcer par référendum sur une éventuelle indépendance de l’Ecosse. Pourquoi les habitants de la Crimée n’auraient-ils les mêmes droits que les Ecossais ? Les commentaires des dirigeants européens et américains sur le caractère « illégal et illégitime » du référendum de Crimée montrent seulement qu’ils n’ont rien compris à la nature de ce vote, et qu’ils refusent de reconnaître à la fois le principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et la souveraineté du peuple qui est le fondement de la démocratie.

Quant aux menaces de « sanctions » économiques et financières brandies par les Occidentaux contre la Russie, elles prêtent à sourire, et Poutine n’a pas eu tort de dire ouvertement combien elles l’indiffèrent. Poutine sait que l’Union européenne n’a aucun pouvoir, aucune unité, aucune volonté. A juste raison, il n’accorde aucun crédit à des pays qui prétendent « défendre les droits de l’homme », mais ne peuvent se passer de l’argent des oligarques. Comme disait Bismarck : « La diplomatie sans les armes, c’est la musique sans les instruments ». Poutine sait que l’Europe est déliquescente, qu’elle n’est plus capable que de gesticulations et de provocations verbales, et que les Etats-Unis eux-mêmes la regardent comme quantité négligeable (« Fuck the European Union! », comme disait Victoria Nuland). Il sait surtout que, s’ils voulaient vraiment « sanctionner » la Russie, les Occidentaux se sanctionneraient eux-mêmes, car ils s’exposeraient à des représailles de grande ampleur dont ils ne sont visiblement pas prêts à payer le prix. C’est la vieille histoire de l’arroseur arrosé.

Il suffit de rappeler ici que le gaz et le pétrole russes représentent environ le tiers de l’approvisionnement énergétique des 28 pays de l’Union européenne, pour ne rien dire de l’ampleur des investissements européens, notamment allemands et britanniques, en Russie. On ne compte aujourd’hui pas moins de 6000 sociétés allemandes actives sur le marché russe. En France, le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius a menacé la Russie de ne pas lui livrer deux navires porte-hélicoptères de type « Mistral » actuellement en construction aux chantiers de Saint-Nazaire. Dans un pays où l’on compte déjà plus de cinq millions de chômeurs, la conséquence serait la perte de plusieurs milliers d’emplois… Quant aux Etats-Unis, s’ils cherchent à geler les actifs russes à l’étranger, ils s’exposent à voir en retour gelés le remboursement des crédits que les banques américaines ont accordés à des structures russes.

L’Ukraine est aujourd’hui un pays ruiné. Elle aura le plus grand mal à se passer du soutien économique de la Russie et à remédier à la fermeture du marché de la CEI (la Russie représentait jusqu’à présent 20 % de ses exportations et 30 % de ses importations). On voit mal par ailleurs les Européens trouver les moyens de lui apporter une aide financière qu’ils ne veulent même plus accorder à la Grèce : compte tenu de la crise qu’elle traverse depuis 2008, l’Union européenne n’est tout simplement plus en mesure de débloquer des sommes de plusieurs milliards d’euros. En proie à leurs propres problèmes, à commencer par des déficits colossaux, les Etats-Unis voudront-ils soutenir l’Ukraine à bout de bras ? On peut en douter. Les chèques de Washington et du Fonds monétaire international (FMI) ne règleront pas les problèmes de l’Ukraine.

L’avenir reste pour l’heure aussi incertain qu’inquiétant. L’affaire ukrainienne n’est pas finie, ne serait-ce que parce qu’on ne sait pas encore qui représente exactement le nouveau pouvoir ukrainien. Si l’Ukraine choisit de s’ancrer résolument à l’Ouest, la grande question est de savoir comment réagira la partie orientale de l’Ukraine, qui est à la fois la plus pro-russe et la plus industrialisée (la partie ouest ne représente que le tiers de la production du PIB). Comment la Russie pourrait-elle, de son côté, accepter qu’un gouvernement radicalement antirusse dirige un pays dont la moitié de la population est russe ? Toute tentative d’imposer une solution par la force risque d’aboutir à la guerre civile et en fin de compte à la partition d’un pays où les grandes lignes de partage politiques, linguistiques et religieuses, recoupent largement les lignes de partage territoriales. On verrait alors se reproduire le scénario qui a conduit à l’éclatement de l’ex-Yougoslavie.

Dans l’immédiat, le risque le plus grand est celui d’un pourrissement de la situation à Kiev, accompagné d’une série d’initiatives irresponsables (création de milices, etc.) et d’incidents isolés qui dégénéreraient en montée aux extrêmes. Ni l’Europe ni la Russie (qui va maintenant renforcer son alliance militaire avec la Chine) n’y ont intérêt. De l’autre côté de l’Atlantique, en revanche, les partisans de la guerre ne manquent pas.

Le déchaînement des médias occidentaux est révélateur de leur degré de soumission à Washington. Poutine est régulièrement décrit comme un « nouveau tsar », un « kagébiste », un « néo-soviétique », mais aussi un « fasciste » et un « rouge-brun », alors que ce n’est pas lui qui a déclenché la crise ukrainienne, et qu’il a plutôt fait preuve dans cette affaire d’une extraordinaire patience. La Russie est présentée, sinon comme une « dictature », alors qu’elle n’a jamais connu un tel degré de démocratie dans son histoire, du moins comme un régime « insuffisamment libéral », c’est-à-dire pas assez conforme aux exigences de la « société ouverte ». Mais, comme l’a très bien vu Henry Kissinger, « diaboliser Poutine n’est pas une politique, mais une manière de masquer une absence de politique ».

Certes, comme je l’ai dit plus haut, il n’y a pas lieu de considérer Poutine comme un « sauveur » qui épargnerait aux Européens de prendre eux-mêmes en mains leur destin. L’Europe n’a pas pour vocation de constituer la branche occidentale d’un grand empire russe (l’idée d’empire n’est pas réductible à l’impérialisme). Elle a en revanche le devoir d’admettre la nécessité d’une alliance avec la Russie dans le grand projet collectif d’une logique continentale eurasiatique, ce qui est tout différent.

La Russie, de son côté, aurait tout intérêt à admettre le pluralisme d’identités de ses voisins de l’« étranger proche ». La colère ukrainienne s’est nourrie d’une tendance russe à nier l’identité ukrainienne qui n’est pas imaginaire, même si elle a parfois été exagérée. On n’en serait sans doute pas arrivés là si la Russie avait traité l’Ukraine sur un pied d’égalité et de réciprocité. Dans une logique fédérale, les identités locales doivent être respectées tout autant que les droits des minorités. Les notions de décentralisation, d’autonomie et de régionalisme doivent entrer dans la culture politique russe, tout comme elles doivent entrer dans la culture politique ukrainienne, qui n’y est visiblement pas plus disposée (comme le montre l’incroyable décision du nouveau gouvernement ukrainien de dénier à la langue russe le statut de seconde langue officielle). La notion de zone d’influence a un sens, et ce sens doit être reconnu, mais les pays « satellites » doivent désormais céder la place à des pays partenaires et alliés. Comme l’a écrit le Croate Jure Vujic, le « projet géopolitique grand-européen eurasiste doit être avant tout un projet fédérateur, de coopération géopolitique, fondé sur le respect de tous les peuples européens et sur le principe de subsidiarité ».

Alain de Benoist

ukraine,crimée,russie,vladimir poutine,usa,europe,géopolitique

26/03/2014

Un compte personnel...

Crimée :

Poutine raille l’absurdité des sanctions américaines contre la Russie.

 

Commentaires du Président Vladimir Poutine au sujet des sanctions américaines contre la Russie prises le 20 mars 2014, suite à l’intégration de la Crimée au sein de la Fédération de Russie.

En plus de railler avec humour l’absurdité & l’inanité de mesures qui semblent dictées par la rage, le dépit et l’impuissance, Vladimir Poutine fait montre de patriotisme et d’un véritable sens de la responsabilité : il a en effet ouvert un compte personnel dans une banque russe injustement ciblée par ces sanctions, et a demandé à ce que son salaire personnel y soit versé. Nos élites politiques sont bien loin de tout cela…

21 mars 2014, 15:15

 

 

Question d'un journaliste : Vous vous êtes déjà exprimé au sujet des sanctions qui ont été imposées [contre diverses personnalités russes] lors de la réunion du Conseil de sécurité qui s’est tenue aujourd’hui, mais néanmoins, la liste comprend des noms dont la présence est difficile à expliquer, comme M. [Gennady] Timchenko, MM. [Arkady et Boris] Rotenberg et M. [Yuri] Kovalchuk, par exemple. Sont-ils visés parce qu’ils sont considérés comme vos amis, ou parce qu’ils sont liés aux événements de Crimée d’une quelconque manière ?

 

Vladimir Poutine : Eh bien, pour être honnête, oui, j’avoue que ce sont eux, les « hommes armés courtois » [de Crimée] vêtus en tenue de camouflage et portant des fusils semi-automatiques au côté. Et [c’est vrai que] leurs noms de famille étaient un peu bizarres aussi. Les noms que vous venez de mentionner, par exemple : « Kovalchuk », « Rotenberg », « Timchenko » – ce sont tous des noms typiquement « Moskals » [terme ukrainien désignant les Russes]. Je pense que je serais sage de garder mes distances avec eux…

 

Les sanctions visent également une banque. Étant donné que cette banque n’a absolument aucun lien avec les événements de Crimée, et qu’elle a de nombreux clients, nous devrons certainement lui accorder notre protection et faire tout ce que nous pouvons pour nous assurer qu’il n’y a pas de conséquences négatives pour la banque elle-même ou pour ses clients.


Comme vous le savez, j’ai déjà déclaré que j’allais ouvrir un compte personnel dans cette banque, et j’ai d’ores et déjà donné pour instruction à la Direction administrative présidentielle de transférer mon salaire sur ce compte. J’ai également adressé une requête à la Banque centrale, non pas au sujet de mon salaire, mais en vue d’apporter un soutien à cette banque, d’autant plus qu’elle porte le nom très symbolique et vibrant de « Rossiya » [Russie].

 

Source : http://eng.kremlin.ru/transcripts/6911

Traduction : http://sayed7asan.blogspot.fr/

Pour : http://www.agoravox.tv/ (X)

15/06/2012

Léon Degrelle

Léon Degrelle : « j'attends beaucoup du peuple russe ».

 

Histoire Magazine : Vous ne pouvez contester que le résultat de l'aventure hitlérienne a été catastrophique pour l'Europe qui vous est si chère. Le bilan apparaît bien lourd et on imagine mal comment le programme que vous présentez aurait pu se réaliser.

 

Léon Degrelle : On ne peut évidemment refaire l'histoire, mais je crois que le bilan des vainqueurs n'est guère plus brillant. L'empire soviétique s'est doté de la première puissance militaire du monde et continue à écraser les aspirations à la liberté des peuples d'Europe de l'Est et, plus récemment, du peuple afghan. Ne parlons pas des holocaustes engendrés en Asie par la victoire des communistes. A l'Ouest, la civilisation du seul profit matériel dégoûte de plus en plus une jeunesse qui ne peut se résoudre à accepter la réduction au niveau de tubes digestifs que lui propose la société de consommation. La délinquance ou la drogue sont la rançon de cette situation. A l'heure où nous assistons au réveil de l'Islam, alors que l'American Way of Life laisse les peuples insatisfaits, aucune espérance n'est offerte à la jeunesse d'Europe, laissée à elle-même et à sa misère spirituelle. Où se trouve la solution ? Et bien, je vais vous surprendre, au risque de déchaîner contre moi la colère de nouveaux ennemis : j'attends beaucoup du peuple russe. Il représente une force encore saine et il ne supportera pas éternellement son régime de bureaucrates gâteux dont l'échec est total dans tous les domaines.

J'espère qu'un jour un jeune Bonaparte sortira de l'Armée rouge comme aurait pu le faire Toukhatchevski en 1938, et qu'il rompra avec le fatras idéologique débile qui étouffe la plus grande nation blanche qui soit encore décidée à agir sur l'histoire. Là où Napoléon et Hitler ont échoué, c'est peut-être le fils de l'un de nos adversaires du Caucase et de Tcherkassy qui réussira en rassemblant autour de la Russie, guérie du virus communiste, tous les peuples européens pour entraîner le monde dans une nouvelle marche en avant.

 

Interview de Léon Degrelle ( 15 juin 1906 – 31 mars 1994 )…

Recueillie par Jean Kapel pour la revue « Histoire magazine », N° 19 septembre 1981.

léon degrelle

02/06/2012

Entretien avec Alexandre Douguine

Entretien avec Alexandre Douguine

 

Propos  recueillis  par le magazine allemand “Zuerst”.

( http://www.zuerst.de )

 

Traduction française mise en ligne le 01er Juin 2012 par Euro-Synergies.

( http://euro-synergies.hautetfort.com/ )

( http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2012/05/30/e... )

 

-------------------------------------

 
Q.: Monsieur Douguine, la Russie subit un feu roulant de critiques occidentales, surtout depuis  la  réélection de Vladimir Poutine à la présidence  de la fédération de Russie. Les politiciens et les médias prétendent que les élections ont été truquées, que Poutine n’est pas un démocrate et qu’il bafoue les “droits de l’Homme”…


A.D: Vladimir Poutine, qu’on le veuille ou non, appartient aux vrais grands sur la scène politique internationale. Pourtant, il faut dire que la  politique qu’il préconise est très spéciale, ce que bon nombre de politiciens et de médiacrates occidentaux ne sont apparemment pas capables de comprendre. D’une part, Poutine est un libéral, un homme politique résolument tourné vers l’Occident; d’autre part, il est un défenseur acharné de la  souveraineté et de l’indépendance russes. C’est pourquoi il s’oppose de front aux Etats-Unis et à  leurs intérêts géopolitiques. Poutine est donc simultanément libéral-démocrate et souverainiste. Il est ensuite un réaliste politique absolu, une personnalité politique non fantasque. Poutine serait par voie de  conséquence  le partenaire idéal de tout pays occidental qui accorderait à la  souveraineté une valeur identique et aussi élevée. Mais les pays  d’Occident ont abandonné depuis longtemps les valeurs du réalisme politique…

Q.: Que voulez-vous dire par là ?


A.D: Voyez-vous, ce que croit l’Occident aujourd’hui, c’est qu’un jour toutes  les démocraties libérales abandonneront leur souveraineté et se fonderont dans une sorte de “super-nation” sous l’hégémonie américaine. Telle est bien l’idée  centrale de la globalisation à l’œuvre aujourd’hui. Ce projet est irréalisable avec un Vladimir Poutine car il s’y oppose et défend la souveraineté russe. Ensuite, il ne reconnaît pas la  prétention américaine à exercer cette hégémonie en toute exclusivité. C’est là qu’il faut chercher la vraie raison des attaques acharnées que commet l’Occident contre lui et de sa diabolisation. C’est aussi la  raison pour laquelle l’Occident soutient de manière aussi spectaculaire l’opposition russe: il s’agit d’acquérir de l’influence et de consolider l’hégémonie occidentale.


Q.: D’après vous donc, Poutine fait tout ce qu’il faut faire…


A.D: Bien sûr que non. Il a commis  des erreurs, notamment lors des dernières élections pour le Parlement. Elles n’ont pas été aussi transparentes qu’elles auraient dû l’être.


Q.: La critique occidentale s’adresse surtout aux élections présidentielles…


A.D: Pourtant, lors de ces élections-là, c’était le contraire: elles ont été parfaitement transparentes. La  grande  majorité des électeurs  soutient Poutine, voilà tout, même si l’Occident ne peut ni ne veut le comprendre. L’étranger ne soutient qu’une minorité pro-américaine, ultra-libérale et hostile à toute souveraineté russe, pour qu’elle s’attaque à Poutine. Tel est l’enjeu. Voyez-vous, Poutine peut être bon ou mauvais en politique intérieure, cela n’a pas d’importance pour l’Occident. La mobilisation de ses efforts pour maintenir l’idée de souveraineté — et pas seulement la souveraineté russe — et l’existence d’un monde  multipolaire fait qu’il est la cible de toutes les attaques occidentales. 


Q.: L’Ukraine aussi subit désormais de lourdes attaques médiatiques en provenance de l’Occident. C’est surtout la détention de Ioulia Timochenko  que critiquent les médias. Est-ce que l’enjeu en Ukraine est le même qu’en Russie ?


A.D: La situation en Ukraine est complètement différente, même si les critiques occidentales visent également la souveraineté du pays.


Q.: Le président ukrainien Viktor Ianoukovitch est considéré par les agences médiatiques occidentales comme “pro-russe”…


A.D: C’est pourtant faux. Ianoukovitch tente de maintenir un équilibre politique entre la  Russie et l’Union Européenne. Bien sûr, il n’est pas aussi pro-occidental que ne l’était Mme Timochenko. Ce qui dérange l’Occident, c’est que Ianoukovitch s’est à nouveau rapproché de la Russie. C’est contraire aux intérêts atlantistes. Ioulia Timochenko est aujourd’hui le symbole de ce que l’on a appelé  la “révolution orange” — que l’Occident a soutenu matériellement et idéologiquement en Ukraine. C’est pour cette raison  que les forces atlantistes la considèrent comme une héroïne. 

Q.: Ce que l’on critique surtout, ce sont les conditions de  détention de Ioulia Timochenko. On dit que ces conditions bafouent lourdement les règles convenues quant aux droits de l’Homme…


A.D: L’Occident utilise les droits de l’Homme à tour de bras pour pouvoir exercer influence et chantage sur les gouvernements qui lui déplaisent. Si l’on parle vrai et que l’on dévoile sans détours ses plans hégémoniques et ses véritables intérêts politiques, on obtient moins de succès que si l’on adopte un langage indirect et que l’on évoque sans cesse les droits de l’Homme. Voilà ce qu’il faut toujours avoir en tête.


Q.: Vous venez d’évoquer la “révolution orange” qui a secoué l’Ukraine en 2004. Les protestations et manifestations contre Poutine à Moscou, il y a quelques mois et quelques semaines, ont-elles, elles aussi, été une nouvelle tentative de “révolution colorée” ?


A.D: Absolument.


Q.: Pourquoi ces manifestations se déroulent-elles  maintenant et pourquoi cela ne s’est-il pas passé auparavant ?


A.D: Il me paraît très intéressant d’observer le “timing”. Il y a une explication très simple. Le Président Dmitri Medvedev est considéré en Occident comme une sorte de nouveau Gorbatchev. L’Occident avait espéré que Medvedev aurait introduit des réformes de nature ultra-libérales lors de son éventuel second mandat présidentiel et se serait rapproché des Etats-Unis et de l’UE. Mais quand Medvedev a déclaré qu’il laisserait sa place de président à Poutine et qu’il redeviendrait chef du gouvernement, la “révolution” a aussitôt commencé en Russie.


Q.: Les protestations et manifestations visaient cependant les fraudes supposées dans le scrutin et le manque de transparence lors des présidentielles…


A.D: Non, ça, c’est une “dérivation”. Il s’agissait uniquement d’empêcher tout retour de Poutine à la présidence. Une fois de plus, bon nombre d’ONG et de groupes influencés par l’Occident sont entrés  dans la danse. Cela a permis d’accroître l’ampleur des manifestations, d’autant plus que certains déboires de la politique de Poutine ont pu être exploités. La politique de Poutine n’a pas vraiment connu le succès sur le plan social et il restait encore quelques sérieux problèmes de corruption dans son système. C’était concrètement les points faibles de sa politique. Mais répétons-le: la révolte contre Poutine a été et demeure inspirée et soutenue par l’étranger et n’a finalement pas grand chose à voir avec ces faiblesses politique: il s’agissait uniquement de barrer la  route au souverainisme qu’incarne Poutine.


Q.: D’après vous, Medvedev serait pro-occidental…


A.D: La politique russe est plus compliquée qu’on ne l’imagine en Occident. Laissez-moi vous donner une explication simple: d’une  part, nous avons le souverainiste et le Realpolitiker Poutine, d’autre part, nous avons les “révolutionnaires (colorés)” et les atlantistes ultra-libéraux soutenus par l’Occident. Medvedev se situe entre les deux. Ensuite, les oligarques comme, par exemple, Boris Abramovitch Beresovski qui vit à Londres, jouent un rôle important aux côtés des révolutionnaires ultra-libéraux. 


Q.: A ce propos, on ne fait qu’évoquer la figure de Mikhail Khodorkovski, sans cesse arrêté et emprisonné. Dans les médias occidentaux, il passe pour un martyr du libéralisme et de la démocratie. Comment jugez-vous cela ?


A.D: Il représente surtout le crime organisé en Russie. Dans un pays occidental, on n’imagine pas qu’un individu comme Khodorkovski ne se retrouverait pas aussi en prison. Il est tout aussi criminel que les autres oligarques qui ont amassé beaucoup d’argent en très peu de temps. 


Q.: Et pourquoi les autres ne sont-ils pas en prison ?


A.D: C’est là que je critiquerai Poutine: les oligarques qui se montrent loyaux à son égard sont en liberté.

Q.: Quelle a été la faute de Khodorkovski ?


A.D: Khodorkovski n’a fait que soutenir les positions pro-occidentales, notamment quand il a plaidé pour un désarmement de grande envergure de l’armée russe. Il a soutenu les forces libérales et pro-occidentales en Russie. Pour Khodorkovski, le “désarmement” de la  Russie constituait une étape importante dans l’ouverture du pays au libéralisme et à l’occidentalisation. Il fallait troquer l’indépendance et la souveraineté contre un alignement sur les positions atlantistes. Alors qu’il était l’homme le plus riche de Russie, Khodorkovski a annoncé qu’il était en mesure d’acheter non seulement les parlements mais aussi les électeurs. Il est même allé plus  loin: il a fait pression sur Poutine pour faire vendre aux Américains la plus grosse entreprise pétrolière russe, “Ioukos”.


Q.: Khodorkovski était donc opposé à Poutine en bien des domaines ?


A.D: Effectivement. Khodorkovski a ouvertement déclaré la guerre à Poutine. Et Poutine a réagi, fait traduire l’oligarque en justice, où il a été condamné, non pas pour ses vues politiques mais pour les délits qu’il a commis. Pour l’Occident, Khodorkovski est bien entendu un héros. Parce qu’il s’est opposé à Poutine et parce qu’il voulait faire de la Russie une part du “Gros Occident”. Voilà pourquoi de nombreux gouvernements occidentaux, les agences médiatiques et les ONG prétendent que Khodorkovski est un “prisonnier politique”. C’est absurde et ridicule. Ce qui mérite la critique, en revanche, c’est que dans notre pays un grand nombre d’oligarques sont en liberté alors qu’ils ont commis les mêmes délits que Khodorkovski. Ils sont libres parce qu’ils n’ont pas agi contre Poutine. Voilà la véritable injustice et non pas l’emprisonnement que subit Khodorkovski. 


Q.: Peut-on dire que, dans le cas de Khodorkovski, Poutine a, en quelque sorte, usé du “frein de secours” ?


A.D: Oui, on peut le dire. Avant que Khodorkovski ait eu la possibilité de livrer à l’étranger le contrôle des principales ressources de la Russie, Poutine l’a arrêté. 


Q.: Vous  parlez de groupes et d’ONG pro-occidentaux qui soutiennent en Russie les adversaires de Poutine et qui, en Ukraine et aussi en Géorgie, ont soutenu les “révolutions colorées”. Qui se profile derrière ces organisations ?


A.D: Celui qui joue un rôle fort important dans toute cette agitation est le milliardaire américain Georges Soros qui, par l’intermédiaire de ses fondations, soutient à grande échelle les groupements pro-occidentaux en Russie; A Soros s’ajoutent d’autres fondations américaines comme par exemple “Freedom House” dont les activités sont financées à concurrence de 80% par des fonds provenant du gouvernement américain. “Freedom House” finance par exemple la diffusion de l’ouvrage de Gene Sharp, politologue américain auteur de “The Politics of non violent Action”, auquel se réfèrent directement les “révolutionnaires colorés” d’Ukraine. Beaucoup d’autres groupements et organisations sont partiellement financés par le gouvernement américain ou par des gouvernements européens en Russie ou dans des pays qui firent jadis partie de l’Union Soviétique. Nous avons affaire à un véritable réseau. Toutes les composantes de ce réseau sont unies autour d’un seul objectif: déstabiliser la Russie pour qu’à terme le pays deviennent une composante de la sphère occidentale.


Q.: Est-ce là une nouvelle forme de guerre ?


A.D: On peut parfaitement le penser. Les révolutions colorées représentent en effet une nouvelle forme des guerre contre les Etats souverains. Les attaques produisent des effets à tous les niveaux de la société. Dans cette nouvelle forme de guerre, on ne se pas pas en alignant et avançant des chars ou de l’artillerie mais en utilisant toutes les ressources des agences de propagande, en actionnant la pompe à finances et en manipulant des réseaux avec lesquels on tente de paralyser les centres de  décision de l’adversaire. Et l’une des armes les plus importantes dans le nouvel arsenal de  cette nouvelle forme de guerre, c’est la notion des “droits de l’Homme”. 


Q.: Monsieur Douguine, nous vous remercions de nous avoir accordé cet entretien.

Douguine-1-300x220.jpg